La FNSEA appelle à manifester le 11 juillet devant le siège du Parlement européen à Strasbourg. Pourquoi ?
Hervé Lapie : Il s’agit d’une initiative du Comité des organisations professionnelles agricoles (Copa) soutenue par la majorité des représentants syndicaux de l’Union européenne, italiens, allemands, néerlandais, espagnols et bien d’autres, y compris la FNSEA qui va envoyer une délégation. À la veille de l’examen des textes sur la restauration de la nature et les émissions industrielles, nous voulons interpeller les parlementaires européens, sur la nature et la signification de leurs votes. Les députés ne peuvent ignorer l’importance des enjeux agricoles et agroalimentaires sur lesquels ils auront à se prononcer : la conquête de la souveraineté alimentaire de l’Union européenne ou le déclin de son agriculture, c’est-à-dire le recours massif aux importations et le découragement des agriculteurs.
Que contiennent ces textes ?
HL : Le texte sur la restauration de la nature prévoit que les États membres devront mettre en place des mesures de restauration qui, dans leur ensemble, devront couvrir d’ici 2030 20 % des zones terrestres et marines de l’Union européenne et tous les écosystèmes d’ici 2050. Un autre objectif prévoit que 10 % des terres agricoles devront atteindre une haute diversité biologique à cette date. Dans ce document, il est peu question des conséquences sur la production agricole et sur la vitalité des territoires ruraux. C’est la raison pour laquelle nous demandons une véritable étude d’impact de ce document sur l’agriculture. Également oublié la souveraineté alimentaire de l’Europe. Bref, nous sommes convaincus qu’on demande beaucoup aux agriculteurs sans les accompagner et en ignorant les coûts qu’ils devront supporter. Sans parler des contraintes réglementaires supplémentaires auxquelles ils seront soumis. D’une façon générale, nous aurions préféré que les autorités européennes s’inscrivent dans une démarche de projet à laquelle les agriculteurs seraient associés, plutôt que de leur imposer de nouvelles normes.
Et celui sur les émissions industrielles ?
HL : Il s’agit d’une nouvelle directive visant à réviser et à renforcer la directive actuelle sur les émissions polluantes des installations industrielles, y compris de l’élevage. Si elle était adoptée en l’état, la majorité des élevages français serait concernée. Ici aussi, on ajoute des normes à un secteur en déprise qu’on va grever de coûts supplémentaires. Plutôt que d’accompagner les éleveurs, on leur impose une réglementation draconienne sans mesurer l’impact économique. Qu’il s’agisse des producteurs de porc, de viande bovine ou de volaille, les conséquences seront très importantes sur l’élevage français. Ce qui va stimuler les importations qui d’ailleurs ne cessent de croître. Dans le même temps, la Commission signe des accords de libre-échange avec des pays qui sont loin de respecter les même normes environnementales, sociales et de bien-être animal. Tout ça est parfaitement contradictoire. Quid de notre souveraineté alimentaire ? Quoiqu’il en soit, il s’agit d’un mauvais signal donné aux éleveurs qui n’a d’autre conséquence que d’accentuer leur découragement, alors que nous avons besoin de renouveler les générations.
Que demandez-vous aux parlementaires européens ?
HL : Nous demandons aux parlementaires de rejeter la proposition de la Commission européenne sur la restauration de la nature et de maintenir le statu quo sur les émissions industrielles. D’ailleurs nous ne sommes pas isolés. Appelées à se prononcer sur la restauration de la nature, les Commissions de l’environnement et de l’agriculture du Parlement européen ne sont pas parvenues à dégager une majorité : les votes se sont partagés à égalité entre les pour et les contre. Loin de nous l’idée de rester figés sur une position et d’être taxés d’immobilisme. Nous sommes dans une démarche de projet et nous souhaitons que les agriculteurs soient accompagnés dans leurs efforts d’adaptation au changement climatique, à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la protection de la biodiversité au lieu de leur imposer à chaque fois de nouvelles contraintes. Ce que les parlementaires devraient intégrer par leur vote, c’est que l’agriculture n’est pas un problème mais une partie de la solution aux défis qui nous attendent. Nous devons conforter, soutenir le secteur agricole européen en partageant des objectifs atteignables et l’accompagner sans l’affaiblir. •