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« Monter un élevage de porc est pire que de monter une centrale nucléaire »

La FNSEA 76 a accueilli le Congrès national de la Fédération nationale porcine (FNP) ce 16 juin à Bois-Guillaume. Pour l'occasion, François Valy, président de la FNP, et éleveur de porcs à Ruffiac, dans le Morbihan, a répondu à nos questions.

Comment va la filière française porcine ?

« Il faut rappeler quelques chiffres. L’élevage porcin français ce sont des élevages moyens de 240 truies naisseurs engraisseurs, ce qui représente 5 500 à 6 000 porcs charcutiers vendus par an, et la taille des élevages de porcs français est l’une des plus faibles d’Europe. La moyenne d’âge de nos éleveurs est de près de 50 ans, elle est donc assez élevée et une grave inquiétude concerne le renouvellement des générations d’éleveurs dans les cinq à dix ans à venir. Sur la partie économique, après deux années très compliquées, la FNP est allée chercher des aides qui ont sauvé beaucoup d’éleveurs français. Une première aide d’urgence à la trésorerie en deux volets au printemps de l’année dernière, une seconde, tout élevage, en mai de cette année, pour l’alimentation en rapport avec l’inflation des céréales due à la guerre en Ukraine. Puis le marché s’est complètement retourné à la fin de l’année dernière avec un coût du porc qui est monté à plus de 2 euros le kilo. Du jamais vu. Mais en parallèle nos charges ont explosé, notamment du fait de l’aliment qui peut représenter jusqu’à 75 % de nos charges. Au 29 mai, nous étions à 2,15 euros au Marché du porc breton de Plérin. Il nous faut ce prix car nous avions du retard dans nos exploitations en termes d’investissements, pour une montée en gamme, et plus particulièrement de mise à niveaux des parcs. »

Vous avez évoqué au SIA la nécessité de restructurer les exploitations. Que voulez-vous dire ?

« Au-delà même du coût économique, nous n’arrivons plus à développer, à restructurer un élevage voire à monter des élevages avec tout ce que nous entendons contre l’élevage aujourd’hui. Dans certaines régions, c’est pire que de monter une centrale nucléaire. C’est une situation franco-française. Pour autant, au SIA, tous nos politiques nous ont parlé d’une nécessaire autonomie alimentaire alors même que nous ne serons plus autosuffisants en production porcine en 2023, c’est-à-dire que nous allons importer du cochon hors Europe. À cet égard nos voisins européens sont dans la même situation. Leur production baisse aussi, entre 5 et 10 % (- 8 % des abattages sur le premier trimestre en Allemagne, - 10 % en Espagne, NDLR). Autrement dit nous mangerons demain du porc qui viendra du Canada, des États-Unis, du Brésil avec des normes qui ne sont pas les nôtres. »

La directive relative aux émissions industrielles se profile. La filière française est-elle menacée ?

« La problématique que nous avons avec cette directive européenne, c’est qu’en Europe nous n’avons pas tous les mêmes niveaux d’exploitation. En France, au Portugal et dans certains petits pays européens, les exploitations sont de taille moyenne (à 240 truies naisseurs engraisseurs pour rappel), mais tous les gros faiseurs européens (Nord de l’Europe et Espagne) sont déjà en IED et se sentent moins concernés. Nous, nous expliquons que l’abaissement du seuil d’entrée dans le dispositif IED des élevages français aura comme conséquence d’accélérer la fermeture des élevages moyens dès lors concernés par de nouvelles contraintes. Derrière ces fermetures ce sont aussi des emplois perdus dans nos territoires car pour une exploitation moyenne ce sont 2 à 3 salariés a minima qui y travaillent. Sans compter qu’à près de 50 ans, et même si la réglementation devait leur donner le temps de se plier à de nouvelles contraintes, nombre d’éleveurs jetteront l’éponge. Nous irons donc chercher du porc ailleurs. Et puis c’est aussi nier que nous avons tous les systèmes d’élevage en France. Certains petits éleveurs ne veulent pas faire grossir leurs élevages pour pallier de nouvelles contraintes. Or si ce seuil est trop bas, ils seront impactés et arrêteront. Sans compter que c’est oublier aussi que les élevages qui ne sont pas en IED mais en déclaration (l’essentiel des élevages français) font déjà beaucoup de choses pour bien faire. L’IED pour le moment concerne 14 à 15 % des élevages français. Avec ce que nous entendons aujourd’hui, et c’est du n’importe quoi, 95 % des élevages seraient demain en IED. Difficile de séduire les jeunes ! »

Un mot sur la question sanitaire avec la fièvre porcine africaine (FPA) à nos portes ?

« La FPA nous inquiète. Présente en Allemagne et dans une grande partie de l’Europe de l’Est, elle circule, notamment dans la faune sauvage en Italie. On ne peut pas prédire qu’on l’aura ou pas. Il est préférable de prévenir par la mise en place dans nos élevages de mesures de biosécurité. Concernant l’export, fort heureusement la France, grâce au travail de l’interprofession, a signé un accord de “régionalisation” validé avec la Chine en décembre, lui permettant de continuer à exporter du porc vers ce client majeur, même si un cas de peste porcine africaine survenait sur le territoire. Nous sommes à ce jour le seul pays à l’avoir fait. »

Les innovations sont souvent peu connues dans le porc, pourtant elles sont présentes un peu partout dans les exploitations, qu’en est-il ?

« La R&D est tous azimuts. Notre Institut du porc (Ifip) travaille beaucoup avec les régions. De même que les OP sont force de proposition en matière de R&D. Par ailleurs, les élevages de porc français sont bien connectés. Nous avons pas mal d’avance en termes d’alarmes, de ventilation, d’alimentation... Les outils d’aide à la décision sont nombreux. La filière travaille aussi à tout ce qui peu concourir à améliorer le bien-être animal comme à développer des bâtiments à énergie positive. Les champs d’investigation sont larges. »

La filière peine à attirer de la main-d’œuvre, qu’avez-vous à dire à ce sujet ?

« Si nous voulons une attractivité du métier, il faut d’abord avoir une rentabilité. Les jeunes qui voient des éleveurs se plaindre sans cesse ne seront pas attirés. Il faut aussi proposer une rémunération satisfaisante, des conditions de travail correctes et que le chef d’entreprise comme le salarié y trouvent leur compte. Le manque d’attractivité du métier n’est pas spécifique à l’élevage porcin voire à l’agriculture. Malheureusement, nous constatons que l’enseignement et les formations agricoles ne sont pas toujours adaptés à la réalité de ce que sont nos exploitations. C’est encore souvent l’image de Martine à la ferme qui prime, alors même que nous avons considérablement avancé en termes de bien-être animal, de normes environnementales et d’innovations technologiques qui aident nos salariés à mieux travailler. »

Il y a quelques années, l’interprofession a lancé “Le porc français”. Quel bilan en faites-vous ?

« Nous défendons ce logo du Porc français qui certifie que les animaux sont nés, élevés, abattus, découpés et transformés en France. En garantissant l’origine française des viandes, il a sans conteste permis de sauver beaucoup d’éleveurs. C’est le troisième label reconnu par les consommateurs, après celui de l’AB et du Label rouge. »

 

Quelques repères

Trois types de structures :
1) celles ne faisant que du porc et avec un foncier limité (44 % des élevages en 2020) : 287 truies en moyenne, 78 ha de SAU, faisant travailler 3,05 ETP pour moitié salariés) ;
2) exploitation mixte porcs herbivores (29 % des élevages et 21 % des porcs, en décroissance, de taille plus modeste) ;
3) exploitation de polyculture élevage (croît légèrement, 20 % des exploitations porcines et 11 % des porcs).
Avec une moyenne de 240 truies naisseurs engraisseurs, ce qui représente 5 500 à 6 000 porcs charcutiers produits par an, la taille des élevages de porcs français est l’une des plus faibles d’Europe.
• En Europe, les exploitations porcines comptent en moyenne 560* truies au Danemark et 370* truies aux Pays-Bas, et facilement plus de 10 000 truies en Amérique du Nord.
w  En France, en moyenne, on compte 2,3 personnes travaillant dans un élevage de porcs, ce qui permet de s’occuper d’environ 200 truies.
w Aujourd’hui, 28 % des élevages de porcs sont spécialisés dans cette activité, 22 % sont associés avec des élevages de vaches laitières, 12 % sont associés avec des grandes cultures et 37 % sont des fermes de polyculture et élevage.
Sources : IFIP, SSP, recensements agricoles
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