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Pommes : les robots de récolte en approche

Avec l’arrivée prochaine dans l’Hexagone des drones cueilleurs de l’israélien Tevel, la récolte robotisée de pommes semble tout à coup à portée de palox. Tour d’horizon de l’état d’avancement des robots de récolte.

Annoncée en France pour l’été 2023, cette technologie pourrait révolutionner la cueillette des fruits frais, pour l’heure entièrement manuelle. Originaires d’Israël, d’Australie et des États-Unis, plusieurs robots sont en lice pour pallier le manque de main-d’œuvre. Mais, tous sont à la frontière entre fin du prototypage et début de la commercialisation. Le grand défi sera d’obtenir un robot aussi rapide que la main humaine et à un coût acceptable pour le producteur, ce qui n’est pas gagné. En attendant, les fabricants améliorent leur technologie via la prestation de service. Les plus avancés bâtissent des partenariats avec des constructeurs de plateforme d’assistance à la récolte pour cibler les coopératives et groupements. Côté amont, certains arboriculteurs ont déjà commencé à configurer leurs nouveaux vergers en vue d’une possible robotisation.
C’est une première dans le monde du fruit. Le robot cueilleur de pommes de la start-up israélienne Tevel Aerobotics Technologies fera son arrivée dans l’Hexagone durant l’été 2023. « Nous projetons d’avoir une flotte commerciale en France dans deux ou trois ans », prévoit Simone Pollano, directeur général Europe de Tevel. Testé dans des vergers en Italie et aux États-Unis, le système conçu par Tevel est novateur. Il est composé de deux à huit drones autonomes rattachés par un câble à une plateforme.
Chaque drone est équipé d’un bras cueilleur avec à son bout une ventouse qui aspire puis décroche le fruit, lequel est sélectionné pour ses qualités à l’aide de caméras. Le bras dépose ensuite le fruit sur la plateforme pour être acheminé directement vers le palox. « Sur la partie drone et “computer vision” [vision par ordinateur, NDLR] nous sommes techniquement opérationnels », indique Simone Pollano. « Mais nous sommes encore en phase pré-commerciale car nous finalisons des accords avec des fabricants de plateformes de récolte pour les coupler avec notre technologie ».

Espoirs et manque de bras

Le lancement d’un robot de récolte de fruits destinés au marché du frais est un événement majeur pour la filière. Contrairement aux fruits subissant une première transformation (fruits à coque, olives) ou destinés à l’industrie (pommes à compote, cerises bigarreau, pêches pavies, pommes à cidre), les fruits pour le frais sont trop fragiles pour être récoltés mécaniquement. Pommes, poires, pêches, kiwis…, tous sont cueillis manuellement pour préserver la qualité. « La récolte est réalisée 100 % à la main pour les pommes à couteau, c’est l’unique possibilité pour ne pas mâcher [abîmer, NDLR] les fruits et les conserver », explique le président de l’Association nationale pommes poires (ANPP), Daniel Sauvaitre.
Et vu les difficultés structurelles à recruter de la main-d’œuvre saisonnière, en France comme dans d’autres pays, la robotisation alimente de nombreux espoirs. « Le coût élevé de la main-d’œuvre encourage d’autant plus l’automatisation », pointe Florentin Kaçar, ingénieur en robotique au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL). « En effet, la récolte représente 50 % du coût de production d’une pomme ».
En France, une première tentative de robotisation avait eu lieu en 1985 avec le robot cueilleur Magali du constructeur français Pellenc, acteur historique du secteur viticole. « C’est une machine qui est peut-être arrivée un peu trop tôt. On n’avait pas les mêmes technologies qu’aujourd’hui, en matière de positionnement par GPS par exemple », explique le directeur marché arboriculture de Pellenc, Fakhri Souissi. Déjà à l’époque, Pellenc ciblait la pomme à couteau, un fruit relativement dur par rapport à la poire ou à la pêche, et surtout très répandu dans le monde, ce qui offre des perspectives de rentabilité économique.

Deux familles de robots

Le temps a passé et le paysage est à nouveau en ébullition depuis quelques années. Au moins cinq start-up sont sur les rangs pour automatiser la récolte de pomme, que l’on peut classer en deux catégories, selon la technique de récolte : soit les robots opèrent un “pick and place” (cueillette par un bras manipulateur et stockage, NDLR), soit ils convoient directement les fruits vers le palox après leur récolte par aspiration.
À la première catégorie appartiennent les machines de Tevel, de Fresh Fruit Robotics (FFR) – un mastodonte de douze bras équipés de pinces à trois doigts qui décrochent les fruits – et du Naro, l’équivalent japonais de l’Inrae, en collaboration avec l’équipementier Denso. La deuxième catégorie compte le robot Eve de l’entreprise australienne Ripe Robotics, et celui de la start-up californienne Abundant Robotics.
Leurs états d’avancement respectifs sont assez variables : l’Israélien FFR « en est au début de son déploiement commercial », indique le cofondateur et p.-d.g. Avi Kahani. « Nous nous sommes lancés en 2022 sur notre marché principal que sont les États-Unis, et nous travaillons également en Israël ». Annoncé en vente pour 2022, le robot japonais est finalement « en phase de test pour être amélioré », précise le chercheur Imai Tsuyoshi. « Il n’y a actuellement aucun projet de lancement commercial ».
Chez les robots convoyeurs, la toute dernière version (Eve Mk5) du robot australien est utilisée à « toute petite échelle » à Shepparton, dans l’État de Victoria.
« Nous avons actuellement une seule machine, et nous travaillons à rendre la cueillette fiable et suffisamment rapide pour nous lancer commercialement », explique son p.-d.g. Hunter Jay. La jeune entreprise compte « s’agrandir significativement en 2024 et 2025 » et peut-être commercialiser le produit en France
« en 2025 ou 2026 » selon l’appétence du marché.
Enfin les Californiens d’Abundant Robotics ont mis la clef sous la porte en juin 2021, avant que leur technologie soit rachetée par l’entreprise d’investissement et d’incubation Wavemaker Labs. Selon la presse spécialisée américaine, ce rachat vise à incorporer les technologies de vision par ordinateur et d’aspiration d’Abundant au robot suiveur Carry, un prototype de la start-up Future Acres qui peut transporter plus de 220 kilos de raisin.

La prestation de service privilégiée

Les robots cueilleurs pour l’arboriculture fruitière se comptent sur les doigts de la main et pourtant, il est difficile d’avoir une vision claire sur l’avancée de leur déploiement commercial. Tout d’abord parce que cela reste prospectif. « Des partenariats se créent entre des producteurs, stations d’expérimentations et constructeurs pour tester ces robots. On est toujours sur la limite entre la fin du prototypage et le début de la commercialisation », constate Florentin Kaçar. Ensuite, parce que les fabricants ont des stratégies différentes. « On peut avoir des commercialisations qui ne se font pas sous forme de vente de matériel, mais sous la forme d’un prêt ou d’une prestation de service », ajoute l’ingénieur du CTIFL.
De fait, la prestation de service semble le schéma le plus répandu. « De nos discussions avec les producteurs, la prestation de service (“Robot as a service”) est la stratégie qui leur convient le mieux et à nous aussi », confie Avi Kahani. Fresh Fruit Robotics dépêche son propre staff chez les arboriculteurs partenaires pour faire fonctionner le robot. La start-up peut aussi se charger de certaines tâches pendant le convoyage (ex : couper les pédoncules). En retour, le producteur paye le service rendu.
« Il y a plusieurs possibilités, selon l’accord passé avec le producteur. Le plus courant est le paiement au volume cueilli ou sur une base journalière », explique Avi Kahani. Chez Ripe Robotics, les arboriculteurs paient au volume récolté. « Nous nous chargeons du fonctionnement des machines, les producteurs ont seulement à payer au palox de fruits cueillis. Nous conserverons ce modèle économique à mesure que nous nous agrandirons », indique Hunter Jay.
Même chose chez Tevel qui pratique le paiement « à la tonne de fruit récoltée », en attendant de consolider ses partenariats avec les fabricants de ramasseuses automotrices. Cette stratégie permet aussi aux concepteurs de robots d’emmagasiner le plus de données de terrain possible pour améliorer la performance de sélection au verger : analyse colorimétrique, identification de la taille et du poids, repérage de maladies (tavelure, virus du bois strié…), ravageurs (carpocapse…) et autres dommages (coups de soleil…).

Vitesse et rentabilité

« À ce stade de la technologie, plus la caméra voit de choses, mieux le robot apprend », résume Simone Pollano. Un « machine learning » (apprentissage automatique, NDLR) qui vise à augmenter la vitesse de récolte, le but étant d’être aussi rapide qu’un ouvrier cueilleur et plus compétitif en matière de coût. Or, pour l’instant, les robots cueilleurs présentent des lacunes sur ces deux tableaux. Interrogés sur la rapidité de la récolte, les fabricants bottent en touche, arguant de chiffres qui « n’arrêtent pas de changer au fil des améliorations » ou reconnaissent sans détour que « c’est une information commerciale confidentielle ». « La vitesse de cueille est faible. Il n’y a pour l’instant pas de solutions qui concurrence les cueilleurs », assure Florentin Kaçar.
D’après une étude du CTIFL sur la cueillette manuelle publiée en novembre 2022, un ouvrier met quatre secondes pour cueillir une pomme, et 1 min 30 s. à 2 min pour remplir un picking bag (sac de récolte de 15 à 20 kilos). Ces chiffres donnent une idée de la vitesse de récolte à atteindre pour que la performance d’un robot soit convenable, même s’ils sont à manier avec précaution selon la variété cueillie (l’étude portait sur la Rosy Glow, NDLR), l’accessibilité des fruits (conception du verger), l’état du verger (taille et éclaircissage) et l’expérience des ouvriers. De plus, ajoute Florentin Kaçar, l’acceptabilité de la performance d’un robot dépend d’autres facteurs : la part de pommes récoltable, la qualité préservée des fruits (sans meurtrissures), le nombre de personnes mobilisées pour la maintenance et la supervision, et le coût du robot.

Configurer les nouveaux vergers

Contrairement aux ouvriers agricoles, les robots peuvent travailler de jour comme de nuit. Malgré cela, Daniel Sauvaitre avoue être « dubitatif ». « Le problème, c’est de mettre une telle machine dans un verger commercial et d’avoir à l’arrivée un coût de revient de la cueillette qui ait du sens », estime le président de l’ANPP. « Un cueilleur récolte 130 à 140 kilos à l’heure, mettons une tonne par jour, avec un coût de revient de 110 à 120 euros la tonne. Il faut donc trouver un robot qui puisse cueillir une tonne par jour à ce prix. Je ne suis pas sûr qu’on soit près de cet objectif ».
Si le doute plane quant à la date d’arrivée de robots cueilleurs dans les vergers, il y a des phases transitoires à penser « très en amont », observe Christian Lavoisier, responsable R&D et développement production de l’OP Fruits du Loir (marque Mylord) située dans le Val de Loire. L’OP, qui réunit neuf producteurs pour 800 ha de pommes, compte « plus d’une centaine d’hectares » de jeunes vergers « plats », c’est-à-dire en haies fruitières aux dimensions bien plus étroites que de coutume. « Les haies font 40 à 50 cm de large (soit 20 à 25 cm d’épaisseur de canopée de chaque côté) contre plus de 1,20 m (60 à 80 cm d’épaisseur) dans un verger standard. L’espace entre les rangs passe à environ 3,30 m contre 4 m en standard aujourd’hui », détaille Christian Lavoisier. « L’OP a pris cette orientation il y a cinq ans pour s’adapter à différentes contraintes et faciliter entre autres la cueille, en vue d’une éventuelle robotisation. »
 

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