Assurance multirisque climatique
« Le réchauffement climatique, et ses conséquences, nous concernent tous »
Pascal Loiseau, directeur général de Groupama Centre Manche* et Sylvie Le Dilly, présidente, répondent aux questions de la rédaction.


Le réchauffement climatique est aujourd’hui une réalité. Cela change les fondamentaux de votre métier d’assureur ? Vis-à-vis des agriculteurs ? Vis-à-vis des autres secteurs d’activité voire du particulier ?
Pascal Loiseau : « Effectivement, le changement climatique est une réalité. Nos équipes qui sont sur le terrain, en lien direct avec les agriculteurs, le constatent chaque jour. Chez Groupama Centre Manche*, nous innovons en permanence pour répondre aux mutations de notre environnement. L’adaptabilité est dans notre ADN, et notre façon d’exercer notre métier d’assureur mutualiste évolue. Nous nous mobilisons pour accompagner nos sociétaires au plus proche de leurs besoins comme nous l’avons toujours fait, pour les protéger à chaque étape de leur vie, qu’il s’agisse de la personne ou de leurs biens.
Sylvie Le Dilly : « Le réchauffement climatique, et ses conséquences, nous concerne tous. Groupama Centre Manche est un interlocuteur de proximité très engagé sur son territoire. Tout ce qui impacte les hommes et les femmes nous impacte. Si nous sommes l’interlocuteur historique et privilégié de la filière agricole, nous sommes à leurs côtés afin de répondre aux difficultés qu’ils traversent. »
Faut-il s’attendre au cours de la prochaine décennie à une sinistralité plus importante donc à une hausse des polices d’assurance ?
S. L. D. : « Nous savons que les sinistres liés au réchauffement climatique augmenteront dans les années à venir. On le voit bien, la sécheresse est déjà là tôt cette année. Avec elle, s’accompagnent les risques d’orages à forte pluviométrie et de grêle sur notre territoire. Le principe de l’assurance chez nous, c’est la mutualisation. Plus la souscription est large, plus grande est la mutualisation des risques. Les cotisations évolueront en tenant compte de ces situations, c’est inévitable, mais toujours de façon mesurée et juste. Avec la garantie pour les sociétaires d’être bien assurés. »
P. L. : « Chez Groupama Centre Manche, nous avons enregistré près de 7 500 déclarations de sinistres grêles et sécheresse pour près de 175 000 hectares sur son territoire l’an passé. Au total, nous avons redistribué plus de 33 millions d’euros. Notre modèle a été challengé et nous y avons répondu en mettant en place des bases solides pour aborder l’avenir, notamment avec la réforme de l’assurance multirisque climatique (MRC) pour les agriculteurs. Notre objectif est de continuer à garantir la bonne protection face aux risques. »
Une meilleure prévention peut-elle limiter le phénomène et que fait Groupama concrètement dans ce sens ?
P. L. : « On ne peut agir sur la survenance des intempéries. En revanche, on peut aider les agriculteurs à s’y préparer au mieux. La bonne gestion des risques associée à la prévention est un levier essentiel chez Groupama Centre Manche. Il y a un vrai investissement en termes de proximité et d’accompagnement. Je pense notamment à deux actions clés. Nous avons mis en place dès le début de la réforme et sur tous nos territoires de nombreuses réunions d’information et de sensibilisation pour aider les agriculteurs, sociétaires ou non, à comprendre la réforme MRC et ses enjeux. Objectif : leur permettre d’avoir toutes les clés pour prendre la décision de s’assurer ou non. Nous avons aussi lancé il y a deux ans les sondes à fourrage connectées. Le principe est simple : il s’agit d’insérer des sondes dans les balles de foin à la récolte pour qu’un relevé des températures soit effectué toutes les heures. En cas d’échauffement du fourrage, et du risque d’incendie qui en découle, l’agriculteur est tout de suite alerté. Un dispositif d’autant plus indispensable en cas de fortes chaleurs. »
S. L. D. : « J’ajoute qu’il y a aussi une initiative que nous sommes en train d’explorer dans le cadre de nos recherches avec notre “Climat Lab” destinée à mieux prévenir les événements climatiques. L’enjeu est d’identifier des dispositifs encore plus efficients pour prévenir nos sociétaires le plus en amont possible de la survenance d’une intempérie afin qu’ils puissent prendre les dispositions nécessaires pour eux-mêmes et leur famille, et leur exploitation. »
À l’occasion de votre assemblée générale en mai dernier, vous avez planché également sur la transition économique et écologique et ses impacts sur les territoires. Cela signifie que nous sommes en train de changer de modèle ?
S. L. D. : « Le contexte économique, avec ses conséquences inflationnistes et la tension sur les matières premières, géopolitique, avec le conflit en Ukraine et plus globalement les tensions internationales, et environnemental, avec notamment un défi climatique ou encore la transformation de nos modes de production, bouleversent nos repères et nous poussent à nous interroger sur nos modèles, nos organisations, nos modes de consommation. L’enjeu est colossal : il s’agit de construire l’avenir, un monde plus responsable, plus équilibré, plus respectueux aussi. C’est le sens de notre partenariat avec Finagri, qui vise à soutenir la transition agroécologique. »
P. L. : « Le consensus est fait aujourd’hui : notre modèle économique hérité de l’ère industrielle assise sur les énergies fossiles n’est pas un modèle d’avenir. Dès lors quel nouveau modèle ? Comment faire cohabiter ambition économique et écologique ? Cela passera inévitablement par l’évolution de nos modes de pensées et par l’innovation “intelligente”. Ce sont les territoires qui subissent de plein fouet les impacts de ces changements. C’est pourquoi ce sont aussi les premiers à se saisir de ces nouveaux enjeux. On le voit bien, ils sont à l’origine de nombreuses innovations et initiatives. Ils affichent un réel dynamisme et redistribuent les cartes de notre modèle productif. »
Par rapport à ces deux sujets un peu anxiogènes, on peut rester positif et considérer que la résilience de notre agriculture est une des meilleures au monde. Vous partagez ce point de vue optimiste ?
S. L. D. : « Je suis totalement confiante en la capacité de notre agriculture à être résiliente et à trouver de nouveaux modèles pour rester vertueuse, responsable et compétitive. La responsabilité est de mise. Et nous avons déjà entamé les réflexions et le développement de l’agroécologie. »
P. L. : « Je crois profondément à la force du collectif : ensemble nous pouvons faire beaucoup de choses et je suis convaincu que nous trouverons les leviers les plus adaptés, à la hauteur des enjeux. La nature est par essence résiliente, les agriculteurs en savent quelque chose. »
* Le territoire de Groupama Centre Manche regroupe : Calvados, Eure, Eure-et-Loir, Manche, Mayenne,
Sarthe, Seine-Maritime, Orne.