La construction d’une filière de chanvre à fibre longue
En investissant dans une faucheuse de chanvre, la coopérative Terre de Lin donne la possibilité à ses adhérents de se familiariser avec cette plante à fibre.


Le fauchage du chanvre textile se termine sur l’ensemble du secteur de Terre de Lin. Avec une bonne centaine d’hectares cultivés cette année sur les départements de la Seine-Maritime et de l’Eure, la coopérative et les quelques adhérents qui se sont lancés sur des petites surfaces apprennent ensemble à tout connaître de cette plante qui était jusqu’à présent davantage produite pour son chènevis que pour sa fibre longue.
« Cela fait quelques années que la coopérative s’intéresse aux plantes à fibre et pour certains adhérents se trouvant dans des bassins de captage, le chanvre pourrait être une réponse car il ne nécessite pas d’intrants. Nous avons également quelques clients européens qui s’y intéressent mais aujourd’hui tout reste à construire », explique Stéphane Vasselin, responsable du service agronomie chez Terre de Lin.
Le frein de la mécanisation levé
Jusqu’alors, le plus gros frein était la mécanisation de la récolte pour cette plante qui peut atteindre jusqu’à 2 mètres de hauteur. Cette dimension ne permet pas de passer les nappes dans les teilleuses. Des constructeurs se sont penchés sur le problème et proposent aujourd’hui des machines qui coupent la plante à mi-hauteur et déposent au sol des andains de 80 cm de long. L’acquisition d’une faucheuse Hyler par Terre de Lin va ainsi permettre de progresser dans la connaissance de cette plante et dans la construction d’une filière chanvre à fibre longue.
La machine est au point et les fauchages se sont bien passés. Le rouissage commence donc. « Les exigences sont les mêmes que pour le lin. Cependant le chanvre devrait être plus rapide à rouir car son épaisseur de fibres est moins importante. La nappe est posée sur les étaux, favorisant la circulation de l’air. Il devrait également sur-rouir moins vite que le lin et cela est plutôt une bonne chose car la récolte est plus tardive. Pour l’enroulage, il semble nécessaire de condenser assez fort la nappe ».
Pour le teillage, les premiers essais de 2022 ont montré que la cadence était moins bonne que celle du lin mais tout cela est à optimiser. Des marges de progrès sont encore possibles.
En ce qui concerne les variétés, la génétique est aujourd’hui plutôt orientée vers la production de chènevis. Le travail sera important pour trouver des variétés de chanvre à fibre longue.
L’importance des conditions de semis
Côme Pesquet cultive du chanvre depuis quatre ans sur son exploitation de Grainville-la-Teinturière. Il a commencé avec 20 ares au début pour essayer, et cette année il a semé quatre hectares. « Le fauchage du chanvre était un point important. J’ai augmenté la surface cette année car il y a maintenant une solution avec la faucheuse automotrice Hyler. J’avais deux parcelles dont une qui a moins bien poussé. Je pense que le couvert détruit trop tard a capté trop d’azote pour sa décomposition, aux dépens du chanvre », explique l’agriculteur qui insiste sur l’importance du semis.
« J’ai semé le 20 mai, peut-être un peu tard. Le chanvre a un pouvoir germinatif très faible. Il faut semer 500 graines pour espérer en voir lever 250. De plus, il faut tenir compte de la problématique corbeaux et de l’historique de la parcelle qui doit être propre. L’approche fertilisation azotée est la même que pour le lin mais il y a encore beaucoup de choses à affiner », explique l’agriculteur.
Si tout s’est bien passé cette année, la verse peut être un frein à la récolte du chanvre. Concrètement une parcelle versée ne sera pas récoltable pour la fibre.
Des essais sur son exploitation, avec l’Agence de l’eau et l’association Lin et Chanvre Bio (LCBio), ont montré qu’un lin conduit en zéro phyto avec un précédent chanvre est aussi bien qu’un lin conduit en conventionnel. « Le pivot du chanvre semble améliorer la structure, ce qui est bénéfique derrière pour le lin. Le retournage et l’enroulage s’effectuent comme pour le lin. Nous sommes équipés en matériel lin, cela ne pose donc pas de problème. Il y a seulement quelques réglages à faire sur l’enrouleuse car l’andain de pied et l’andain de tête ne sont pas de la même épaisseur. Aujourd’hui il y a encore beaucoup de choses à affiner au niveau technique », conclut l’agriculteur qui, avec 6,5 tonnes à 19 % de filasse, est content de sa récolte 2022. •