Filière avicole : des circuits de commercialisation déterminants.
Au sein de la filière avicole, les situations sont différentes : dramatique pour certains éleveurs et satisfaisante pour d’autres. La nature des débouchés a été déterminante.
Au début du mois d’avril, les aviculteurs de France ont très vite alerté les pouvoirs publics sur la situation catastrophique des filières avicoles et cunicoles qui subissent la fermeture de leurs principaux débouchés, la restauration et l’export. Dans les élevages, les stocks s’accumulent et l’organisation professionnelle CFA demande au ministre de l’agriculture des mesures d’accompagnement en faveur des éleveurs en difficulté : un fonds de solidarité est prolongé jusqu’en automne pour les exploitations qui subissent des pertes, des aides d’urgence également pour aider les éleveurs et les accouveurs à passer le cap.
Les débouchés export et restauration en panne
Un premier chiffrage établit les pertes économiques du secteur à près de 250 millions d’euros dont 100 millions d’euros chez les éleveurs et les accouveurs. La filière canard gras est parmi la plus impactée (18,4 millions d’euros) avec celle du canard à rôtir (21 millions), du gibier (45 millions), de la pintade (3,4 millions), du pigeon (4,3 millions), de la caille et du poulet de Bresse…filières très dépendantes du débouché de la restauration. Pour information, 60 % des débouchés de la filière foie gras concerne les marchés d’export et de la restauration. Parmi les mesures de soutien, la confédération française de l’aviculture demande à ce que les dates de chasse habituelles soient maintenues pour soutenir les éleveurs de gibier de chasse qui ne peuvent pas reporter leur production. La confédération alerte également la commission européenne sur la nécessité de limiter les importations de volailles en provenance des pays-tiers. « L’Etat français doit agir rapidement pour favoriser les produits d’origine française dans les restaurants », ajoute le président Jean Michel Schaeffer qui tient à alerter le ministre sur des prises de paroles évoquant « un monde d’après » où il faudrait exclure les élevages dits intensifs et conventionnels : « un monde où des pans entiers de nos filières seraient exclus », s’inquiète-t-il. Mais heureusement tous les éleveurs n’ont pas souffert de la crise sanitaire. Certains ont même connu un regain d’activité. Le confinement de la population a provoqué de nouvelles habitudes de consommation qui ont été bénéfiques à l’achat de produits de proximité. En Seine Maritime, les professionnels utilisant les circuits courts ont pu bénéficier d’une certaine marge de manœuvre. Avec beaucoup de réactivité et d’imagination, ils ont réussi à bien commercialiser leur production. Les éleveurs sous contrat ont fourni leur acheteur sans problème. La grande diversité des productions agricoles sur les exploitations seinomarines est un autre facteur qui permet de mieux affronter la crise économique liée au covid-19.
Circuits de proximité et GMS demandeurs
La ferme familiale de la Longue Haie est située à Ambrumesnil. Elle élève des poulets de chair, nourris avec les aliments de la ferme. Elle assure l’abattage et la commercialisation de ses volailles grâce à son propre abattoir à la ferme, agrée CE. « En tant qu’abatteur, nous travaillons habituellement avec des commerçants qui font les marchés, qui ont des rôtisseries. Bien sûr tous ces volumes ont été perdus au moment du confinement mais ils ont été largement compensés par les bouchers qui ont achetés beaucoup de volailles, ainsi que les magasins de produits fermiers. Nos volumes commercialisés ont même augmenté. Nous sommes passés de 800 poulets par semaine à 1 000 poulets. Nous avons également beaucoup de demandes en poulets vivants », précise Jeanne Duclos.Agriculteur à Longuerue, Laurent Carré élève 90 000 dindes standard par an, pour lesquelles il a un contrat avec le groupe LDT (marques Le Gaulois et Maître Coq). Il élève également des volailles fermières qu’il vend vivantes à 5 semaines sur les marchés. « J’ai un contrat avec LDT. Donc toutes les dindes sont parties, la demande est toujours là dans les GMS pour ce produit. Pour les volailles fermières, j’ai été impacté au début avec la fermeture des marchés mais nous avons vite réagi et mis en place des livraisons à domicile et de la vente à la ferme. Je n’ai pas à me plaindre, j’ai quatre collaborateurs et je n’ai mis personne au chômage technique ».Chez David Léger à Esteville, les œufs bio de ses 1 800 pondeuses partent sous contrat chez Cocorette. « Nous avons reçu une note de Cocorette nous demandant de ne pas céder à la tentation de la vente directe et de tout leur livrer, les GMS étaient très demandeuses, les rayons étaient toujours vides. Sur l’exploitation, nous avons été énormément sollicités pour les œufs par les particuliers. J’ai vendu mes œufs déclassés à la ferme. Je n’ai eu aucun problème d’écoulement. J’ai même de nouveaux clients que j’espère avoir fidélisé ».