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Bovins viande
Décapitalisation du cheptel : quelles perspectives pour le commerce extérieur ?

C’est sans aucun doute l’une des conférences organisées au Sommet de l’élevage qui a attiré le plus de monde. Au cœur du bassin allaitant, le public d’éleveurs était avide de découvrir les dernières données chiffrées concernant la décapitalisation du cheptel.

En France, certaines unités de découpe ne travaillent déjà plus que quatre jours au lieu de cinq, faute d’animaux.
© ISTOCK

La réduction du cheptel bovin, « ce phénomène débuté il y a quelques années semble ne pas s’arrêter, en raison des aléas climatiques et des hausses des coûts de production provoquées par la guerre en Ukraine », a déclaré Emmanuel Bernard, éleveur et président de la section bovine d’Interbev. Dans ces conditions, la France, leader européen en élevage, pourra-t-elle continuer d’exporter des jeunes bovins vers nos marchés historiques que sont l’Italie et l’Espagne ? Les chiffres présentés par Eva Groshens, de l’Institut de l’élevage (Idele) sont éloquents. En une année, le cheptel allaitant a diminué de 3,1 % et le troupeau laitier, de 1,8 %. Au cours des six dernières années, le troupeau allaitant a perdu 457 000 vaches, soit 11,4 % de son effectif de 2016. Le troupeau laitier a, pour sa part, diminué de 284 000 têtes, soit 9,6 %.

Arbitrages à venir

Cette contraction du cheptel s’explique principalement par les départs en retraite et les arrêts d’exploitation. Mais les éleveurs qui restent en activité ont tendance aussi à réduire leurs troupeaux pour économiser des charges. En revanche, les quelques jeunes qui s’installent apportent toujours autant de vaches que par le passé. Si l’on tient compte de la démographie des éleveurs, et si l’on poursuit les courbes, l’Idele estime que le cheptel allaitant pourrait perdre encore 483 000 vaches d’ici 2030, et le troupeau laitier 377 000. Face à cette raréfaction de l’offre, les prix augmentent. Ils restent cependant inférieurs aux coûts de production, compte tenu de l’envolée de ces derniers. Dominique Guineheux, président du Club Viande Bovine Europe, représentant des abatteurs, pose la question : « Faut-il soutenir l’engraissement en France, aux dépens de l’export, et pour sécuriser nos approvisionnements, faut-il développer la contractualisation ? » Pour les acteurs de la filière, tout l’enjeu sera d’arbitrer entre le marché intérieur et la poursuite des livraisons à nos clients historiques du Sud de l’Europe.
Michel Fénéon, président de la commission import-export de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB), rappelle en effet que « s’il y a une volonté politique d’engraisser plus en France, l’export fait partie du revenu de l’éleveur en maintenant les cours. »

Concurrence à l’export

Là-aussi, les dernières données fournies par l’Idele sont intéressantes. L’Italie nous achète 970 000 bovins vifs chaque année, quand l’Espagne en importe 463 000. 45 % des veaux nés d’une mère allaitante sont exportés, dont 2/3 de mâles et 1/3 de femelles. Si les exportations de broutards ont baissé de 10 % depuis le début de l’année, le marché italien reste dynamique, quand celui de l’Espagne est en repli de 38 %. En revanche, les exportations de veaux laitiers progressent en Espagne. À échéance 2030, si on conserve la même proportion entre export et engraissement en France, les exportations de broutards diminueront de 125 000 têtes. Si l’on maintient au niveau actuel l’engraissement en France, c’est 219 000 broutards qui feront défaut pour l’export.
Franco Martini, représentant de l’interprofession bovine italienne se déclare très préoccupé. « Si cela continue les ateliers d’engraissement vont manquer de broutards, il faut établir une stratégie commune franco-italienne pour sécuriser l’approvisionnement. », annonce-t-il. En France, certaines unités de découpe ne travaillent déjà plus que quatre jours au lieu de cinq, faute d’animaux. « Les abattages ont chuté de 3,5 %. Sur 60 000 bêtes par semaine, il y en a 2 000 en moins », note Dominique Guineheux. Javier Lopez, directeur de l’interprofession de la viande espagnole, constate que les prix à la production ont augmenté de 30 %, « le risque c’est que le consommateur européen se détourne de la viande européenne au profit de celle des pays tiers. » Cette concurrence entre marchés à l’export et engraissement en France va participer à l’augmentation du prix de la viande. Toute la difficulté est de faire accepter cette hausse au consommateur final. Or, 20 centimes d’euro par personne et par jour peut apporter 1 euro du kg en plus à l’éleveur. En conclusion, Emmanuel Bernard rappelle que la filière viande emploie 500 000 personnes en France, plus que le secteur automobile et qu’il faut des actions rapides pour enrayer cette fatalité. « Chaque éleveur, en conscience, va faire ses choix », conclut-il. •

[en vidéo] Tendances lait & viande - Marché des produits de l'élevage de ruminants Interview Caroline Monniot, cheffe de projet conjoncture viande à l'Idèle
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