« Tout faire pour maintenir la qualité sanitaire de notre production de plants »
Le plant représente une part importante des charges d’un producteur de pommes de terre. Il doit être indemne de maladies. C’est pour les producteurs de plants, un enjeu prioritaire.
Le plant représente une part importante des charges d’un producteur de pommes de terre. Il doit être indemne de maladies. C’est pour les producteurs de plants, un enjeu prioritaire.
Enrick de Brabandère, multiplicateur de plants à Ouainville, est président du syndicat des producteurs de plants de Seine-Maritime et vice-président de l’association des producteurs de plants de pomme de terre, le Comité Nord. Sur une centaine d’hectares, il produit entre 20 et 25 lots identifiés et certifiés pour le marché du frais et de l’exportation.
La Seine-Maritime a une qualité sanitaire reconnue
La Seine-Maritime c’est quelque 3 800 hectares de plants de pommes de terre. Le syndicat des producteurs de plants de Seine-Maritime fait partie des 17 groupements du Comité Nord qui représente 15 500 hectares dans une zone située au nord de Paris.
« Il y a dix ans, nous avions tout ce qu’il fallait pour lutter chimiquement contre les pathogènes du plant de pomme de terre. Aujourd’hui, nous avons de moins en moins de fongicides et d’insecticides mais nous devons toujours garantir une qualité de plant irréprochable, certifié, pour les utilisateurs. Notre département bénéficie d’une qualité sanitaire reconnue. Nous devons tout faire pour maintenir ce bon état sanitaire », explique Enrick de Brabandère.
C’est parfois plus compliqué, comme en 2025 qui a été une année record en taux de virus sur la zone du Comité Nord et sur la Seine-Maritime.
La production de plants certifiés est un processus qui nécessite de cinq à huit ans. Elle démarre par une phase de multiplication in vitro, suivie d’une génération de multiplication en serre, puis cinq à huit générations de multiplication au champ. À chaque génération, l’objectif est de maintenir le taux de pathogènes à zéro.
Techniques alternatives à l’essai
À ce jour, l’utilisation des huiles minérales est le seul traitement préventif pour limiter la propagation du virus Y mais avec la pression grandissante de vecteurs et de plus en plus précoce, l’efficacité n’est pas toujours optimale. Il est donc impératif de déterminer les modalités d’application qui maximisent l’efficacité de l’huile minérale et de développer d’autres pratiques alternatives et complémentaires à l’huile pour compléter son efficacité.
Il s’agit de tester des produits de biocontrôle ayant une action directe ou indirecte sur la plante ou le vecteur, des méthodes culturales comme les plantes compagnes, le paillage et la mise sous filet de la première génération dans un cadre de lutte intégrée et avec une approche agroécologique.
Évidemment créer des variétés résistantes aux pathogènes est un axe prioritaire de la création variétale depuis quatre-cinq ans.
« Pour le moment, il y a beaucoup de contraintes supplémentaires pour le résultat obtenu », fait remarquer Valentin Lévêque, inspecteur au Comité Nord et chargé de la production en serre pour les jeunes générations.
Des essais sont mis en place pour évaluer l’efficacité des plantes compagnes implantées dans le champ de pommes de terre. Enrick de Brabandère a essayé différents mélanges, notamment un mélange lentilles et roquette, qui semble apporter de bons résultats.
Détection optique des plants virosés
La Fédération nationale des producteurs de plants de pomme de terre (FN3PT) est en charge d’un programme de recherche d’identification des lots malades en végétation. L’idée est d’utiliser des capteurs pour identifier et sélectionner les plants malades.
« Le moyen pour nous producteurs de bien protéger nos plants est l’épuration. Le but étant de livrer des plants exempts de virus, l’épuration qui a lieu dans les champs en juin, est une opération très exigeante, qui demande une grande expérience de la main-d’œuvre », explique Enrick de Brabandère.
« Par exemple le virus Y ne réagit pas de la même façon en fonction des variétés. Les symptômes ne sont donc pas toujours identiques. La luminosité du moment peut également gêner l’œil humain dans le repérage des symptômes. Le dispositif de détection optique de plants malades sera donc une grande avancée dans la qualité de l’épuration. À ce jour, quelques machines sont en démonstration sur quelques variétés les plus couramment diffusées et nous pensons que cela va très vite se développer dans les exploitations car il faut à ce jour trois personnes pour épurer environ cinq hectares par jour. Cette donnée varie en fonction du nombre de plantes à retirer » précise Valentin Lévêque.
« Notre mission est de mettre en œuvre les inspections et de les analyser afin de garantir une qualité respectant le cahier des charges français plus drastique que l’Européen. Nous avons un gros travail de surveillance. Dans un premier temps, l’absence de nématodes à kystes ou de rhizomanie est vérifiée. Nous inspectons plusieurs fois la totalité des lots de multiplication afin de vérifier qu’ils rentrent bien dans le cahier des charges. Après la récolte et tout au long de la conservation, des visites régulières sont réalisées. À l’expédition, la marchandise est inspectée afin de délivrer le certificat, ajoute Valentin Lévêque. Il faut savoir que l’introduction de plant malade d’origine étrangère provoquerait un risque de jachère noire ».
Serres insect-proof
Le syndicat de Seine-Maritime a créé un partenariat avec 45 producteurs de plants qui se sont lancés dans la production de G0 (génération zéro) en serre insect-proof à partir de boutures fournies par le Comité Nord.
Il existe sept sites en Seine-Maritime, sur la bordure maritime, entre Dieppe et Goderville où des serres insect-proof ont été installées.
La totalité du matériel végétal de départ des multiplications est issue de culture in vitro installée à la station du Comité Nord. Ce matériel est produit et testé en laboratoire pour s’assurer qu’il est conforme à la variété et exempt d’organismes nuisibles.
Les plantules obtenues par culture in vitro sont ensuite utilisées pour démarrer la première année de multiplication, à l’abri de toutes contaminations, sous les serres insect-proof. Cette phase permet d’aboutir à la production de tubercules constituant la génération G0.
À partir des tubercules obtenus, s’ensuivent six à huit générations de multiplication au champ, dans des conditions sanitaires favorables et chez des agriculteurs multiplicateurs spécialisés.
Trieur optique
Pour proposer un plant de qualité homogène, le trieur optique arrive dans les exploitations. « De plus en plus de producteurs de plants investissent dans cet outil qui permet l’obtention d’une qualité standard du produit final grâce à un travail très homogène », explique Enrick de Brabandère.
Généré par l’IA, le trieur optique peut repérer jusqu’à 15 critères différents : les chocs, les pommes de terre vertes, les cailloux, les pommes de terre fendues, les maladies de peau, les dégâts d’insectes…
« C’est un achat qui se justifie totalement car il permet d’augmenter la plage horaire de travail du tri avec un à deux salariés en moins », ajoute Valentin Lévêque.
« Les maladies de peau sont vraiment un souci car nous avons peu de produits efficaces à notre disposition. Le trieur optique permet de répondre à des normes spécifiques européennes et pour le grand export. Quel que soit le tri à faire dans le lot, le trieur a un débit régulier de dix tonnes de tubercules par heure », précise le producteur de plant qui s’équipera vraisemblablement dans quelques mois.
Une production locale
« Nous avons la chance d’avoir le Comité Nord qui a la capacité de produire toutes les boutures au sein de son laboratoire et de ses serres. C’est une aubaine pour nous car nous avons accès à n’importe quelle variété et nous savons d’où viennent nos boutures. C’est un gage de qualité. L’enjeu pour les producteurs de plants est de réussir à sortir la première génération jusqu’à la cinquième indemne de pathogènes. Nous travaillons pour que notre production locale de plants reste indemne de maladies de quarantaine, du début jusqu’à la fin et nous sommes capables d’avoir une traçabilité complète de notre production. Les producteurs de pommes de terre de consommation doivent se rendre compte de notre problématique pour leur fournir des plants sains, du travail et les investissements nécessaires que cela leur demande », conclut Enrick de Brabandère.•