Salariés et employeurs agricoles ont des attentes similaires mais selon les filières les priorités diffèrent
Le secteur agricole fait face à une équation complexe : se développer en dépit d’une pénurie de salariés et pérenniser les exploitations malgré des départs massifs à la retraite dans les années à venir. Dans les deux cas, la solution tient dans l’attractivité des emplois et la fidélisation des actifs. Comprendre ce qu’attendent les salariés agricoles de leur emploi, ainsi que la manière dont les employeurs organisent le management, est un enjeu stratégique pour garantir l’avenir des exploitations.
Le secteur agricole fait face à une équation complexe : se développer en dépit d’une pénurie de salariés et pérenniser les exploitations malgré des départs massifs à la retraite dans les années à venir. Dans les deux cas, la solution tient dans l’attractivité des emplois et la fidélisation des actifs. Comprendre ce qu’attendent les salariés agricoles de leur emploi, ainsi que la manière dont les employeurs organisent le management, est un enjeu stratégique pour garantir l’avenir des exploitations.
Dans le cadre du Contrat d’objectifs porté par la Région Normandie sur le thème de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), l’Association des salariés agricoles de Normandie, la Chambre d’agriculture de Normandie, EDT Normandie, la FRSEA Normandie, l’UNEP, Activ’Emploi ainsi que l’Anefa ont conduit des enquêtes pour mieux comprendre les attentes des salariés vis-à-vis de leur emploi et de leurs employeurs, ainsi que celles des employeurs envers leurs salariés.
Ces enquêtes s’appuient sur les réponses de 151 salariés et de 574 employeurs, représentant à eux seuls 2 664 salariés.
Les résultats de l’enquête montrent que les attentes des salariés pour leur emploi se focalisent sur l’écoute (103 réponses), l’autonomie (100) et la confiance (90) accordées par leurs employeurs. Ces aspirations sont partagées dans tous les secteurs étudiés : production animale, production végétale, entreprises du paysage ainsi que les entreprises de services (ETA, Cuma, Service de remplacement). L’absence d’écart entre les filières montre que ces attentes sont, du point de vue des salariés, les fondations d’une relation professionnelle saine avec son employeur.
Des besoins d’autonomie à bien encadrer pour que les salariés puissent s’épanouir dans leur métier.
Dans les filières d’élevage et du végétal, le besoin d’autonomie est particulièrement fort (respectivement 100 et 48 réponses), illustrant une volonté des salariés d’être davantage impliqués et d’avoir la possibilité d’intervenir par eux-mêmes sur certaines tâches. Le manque d’autonomie peut faire partie des facteurs de risques psychosociaux. Il nuit à la qualité de vie au travail et fait augmenter le turn-over. Il est important pour les employeurs en élevage et productions végétales d’adapter leur management permettant la montée en compétences et/ou la prise de conscience des limites du champ d’intervention. À terme, l’objectif est de développer la confiance et l’autonomie du salarié dans son poste de travail.
Dans le secteur des services, où l’autonomie est, de fait, plus grande, c’est la disponibilité de l’employeur qui est davantage recherchée (9 réponses), signe d’un besoin de soutien dans l’exécution des travaux ou d’arbitrage face aux exigences des différents clients. Poussée à son paroxysme, l’autonomie peut créer un sentiment d’isolement, du stress et une perte de repère de la part des salariés. Il est important de maintenir le bon équilibre.
Les employeurs recherchent des compétences mais aussi des soft skills*.
Du point de vue des employeurs, les attentes sont clairement définies aussi. Ils sont à la recherche de salariés qui font preuve d’autonomie (491), de motivation (448), de ponctualité (347), et qui respectent les consignes (340). Si l’autonomie questionne le niveau de compétences du salarié, les autres attentes relèvent des soft skills. Impossible pour les employeurs de les identifier à partir d’un CV. Toutefois, un entretien d’embauche bien mené, avec des questions adaptées et l’analyse de la communication non verbale peut permettre de choisir le candidat le plus adapté au poste.
Sur les soft skills, on constate des singularités selon les filières. En élevage, le respect des consignes est prioritaire (298), car le moindre écart peut entraîner des conséquences sanitaires et financières. Dans les secteurs des services et du végétal, l’accent est porté sur la ponctualité des salariés (84, 132) car elle est garante d’une bonne organisation de l’activité.
Pour les salariés, la reconnaissance du travail pèse autant que la rémunération.
Le besoin de reconnaissance (102) et la rémunération (91), ressortent comme des facteurs incontournables d’attractivité et d’épanouissement dans l’entreprise. En effet, les salariés attendent de leur entreprise qu’elle les valorise humainement et financièrement. L’ambiance de travail est un critère largement évoqué par les salariés des entreprises de services (14) et en élevage (107). Preuve que, les entreprises doivent investir dans la communication et l’écoute pour améliorer leur gestion des ressources humaines. Dans les filières végétales, ce point est moins cité mais les attentes en matière de sécurité au travail sont plus fortes (42).
Réciproquement, les chefs d’entreprise reconnaissent l’importance d’une bonne ambiance de travail (445). Elle est perçue comme un facteur de cohésion et de performance. De même, ils citent la reconnaissance du travail (439) comme un levier de fidélisation. Preuve que les employeurs prennent conscience de l’importance de la gestion des ressources humaines dans le développement de leur entreprise.
Parmi les facteurs d’attractivité, les employeurs insistent sur la nécessité de mettre à disposition un matériel adapté (335). Cet élément est jugé essentiel en élevage (274), dans les services (94) et le paysage (3).
L’état du parc matériel est un facteur d’attractivité mais les qualités humaines priment aux yeux des salariés.
Toutefois, il est considéré comme moins prioritaire du côté des salariés, qui placent la reconnaissance, les relations humaines et la rémunération au-dessus des considérations d’équipements et de matériels.
S‘il n’existe pas de recette miracle en matière de management agricole, nous pouvons néanmoins retenir que l’écoute, la confiance et la reconnaissance sont des notions indispensables dans la relation employeur/salarié. Ces valeurs sont le fruit d’une communication fluide et d’une organisation du travail réfléchie à mettre en œuvre dans les entreprises.•
* Les soft skills sont des compétences personnelles et relationnelles, comme la communication, l’esprit d’équipe ou la gestion du stress, qui permettent de bien interagir et de s’adapter dans un environnement professionnel.
Frédéric Épineau, gérant de l’EARL Garderic, éleveur de vaches laitières à Berd’huis (Orne), employeur d’un salarié, un apprenti ainsi qu’un stagiaire.
« Aujourd’hui, mes attentes sont mieux définies et plus ciblées »
En 2021, à la suite du départ de mon associé et donc de la fin du Gaec, j’ai dû réorganiser entièrement mon travail. Prendre les décisions seul, au début, c’était intimidant, mais on apprend vite à gérer en autonomie. Dans un premier temps, j’ai embauché un salarié à mi-temps, en partage avec un agriculteur voisin. Rapidement, je me suis rendu compte qu’il me fallait un salarié à temps plein exclusivement pour mon exploitation.
Aujourd’hui, je travaille avec un salarié à plein temps, un apprenti, et parfois un stagiaire. Mon exploitation est spécialisée dans l’élevage de vaches laitières. On a une centaine de vaches, ce qui représente un volume important de travail au quotidien. Les principales tâches confiées à mes salariés sont l’alimentation des animaux, le paillage des bâtiments, le nettoyage des robots et leur suivi. Concernant les travaux dans les champs, c’est rarement moi qui m’en occupe, je délègue cette partie à mes salariés. Cela dit, il ne faut pas se tromper sur la nature de la ferme, c’est une exploitation laitière avant tout. Il y a un peu de travail aux champs, bien sûr, mais en hiver, c’est l’élevage qui prend largement le dessus. Nous avons jusqu’à 200 animaux à soigner.
Je n’ai jamais eu d’exigences figées sur le profil des personnes que j’embauche. J’ai même souvent recruté des personnes qui ne venaient pas du monde agricole. Moi-même, je ne suis pas issu du milieu agricole, et j’ai toujours aimé former. Ce que je cherche avant tout, c’est quelqu’un qui soit réceptif, capable d’écouter et d’apprendre. Par exemple, ma première salariée venait du milieu agricole, mais travaillait chez McDo. Je lui ai donné sa chance, et ça s’est très bien passé pendant un an. Mais je savais qu’elle ne ferait pas carrière ici.
Aujourd’hui, mes besoins ont évolué. Je cherche à recruter un responsable d’élevage, quelqu’un de plus qualifié, plus autonome, avec qui mettre en place une vraie hiérarchie sur l’exploitation. Cette évolution vient aussi de mes engagements extérieurs : je suis président de l’Organisation des producteurs Lactalis Grand Ouest, ce qui m’amène à m’absenter régulièrement de l’exploitation. Il me faut donc quelqu’un de fiable, capable de me seconder pendant mes absences. Je suis prêt à le rémunérer un peu plus, à condition qu’il corresponde à mes attentes et endosse des responsabilités.
Pour mieux gérer cette relation de travail, j’ai suivi une formation en management. Je parle vite, et je me suis rendu compte que mes consignes n’étaient pas toujours bien comprises. Aujourd’hui, je les écris sur un tableau dans le bureau pour éviter tout malentendu. Je m’inspire aussi de ce que je vois sur Facebook, chez d’autres producteurs de lait, parfois des idées simples mais efficaces.
Mon salarié actuel et moi avons un peu le même caractère, ce qui peut parfois provoquer des tensions. La formation m’a aidé à mettre le doigt sur ces difficultés et à chercher des solutions. Cela dit, je reste convaincu que la relation entre employeur et salariés est un équilibre à trouver. Ni trop sévère, ni trop souple. Le management, c’est loin d’être simple, concilier ses attentes avec celles des autres, c’est un travail de tous les jours.
Bien recruter
Trouver le bon candidat peut sembler compliqué. Pourtant, en suivant quelques conseils simples, vous pouvez optimiser vos recherches et attirer les talents dont vous avez besoin.
1. Rédiger une offre d’emploi qui attire :
l’offre d’emploi est votre vitrine. Elle doit être claire, concise et attractive pour donner envie aux candidats de postuler.
2. Diffuser votre offre sur les bons canaux :
pour toucher un maximum de candidats, diffusez votre offre sur différents supports.
3. Sélectionner les candidats et mener des entretiens efficaces :
une fois les candidatures reçues, sélectionner les meilleurs profils et organiser des entretiens en préparant une liste de questions pour évaluer les compétences techniques et les qualités personnelles des candidats.
Encouragez les candidats à s’exprimer et à vous partager leur parcours et leurs motivations.
Ne pas oublier de répondre à l’ensemble des candidats, même si vous ne les avez pas retenus.