Sanitaire, salle de pause et vestiaire : trois conditions pour accueillir les salariés dans de bonnes conditions
Après avoir étudié les résultats des questionnaires des employeurs et salariés sur les conditions d’emploi, nous nous intéressons aux conditions matérielles et à la sécurité dans les entreprises agricoles.
Après avoir étudié les résultats des questionnaires des employeurs et salariés sur les conditions d’emploi, nous nous intéressons aux conditions matérielles et à la sécurité dans les entreprises agricoles.
L’accès à des équipements de base : sanitaires, vestiaires, douches, salles de pause est reconnu comme essentiel à des conditions de travail dignes. Ces installations, bien que perçues comme minimales, ne sont pourtant pas systématiquement présentes dans les entreprises agricoles.
Afin de garantir l’hygiène des salariés ainsi que de bonnes conditions de travail, l’employeur doit mettre à leur disposition les moyens d’assurer leur propreté individuelle, notamment des vestiaires, des lavabos, des WC et le cas échéant, des douches. L’enquête montre que les entreprises agricoles disposent quasi toutes de WC (seules 20 entreprises non équipées). Employeurs et salariés citent la présence de toilettes comme l’équipement le plus largement répandu. Les salles de pause permettent de se reposer et/ou se restaurer à l’abri du froid et des intempéries. De nombreuses entreprises ont aménagé ces espaces dédiés au repos des salariés (2e équipement le plus fréquent) et des vestiaires – surtout mentionnés en paysage, services (15), élevage (57), et en production végétale (29). Des douches sont parfois disponibles (52 en élevage, 24 en végétal, 10 en services, 1 en paysage). Elles permettent de garantir le niveau d’hygiène requis par le poste de travail (respect de la biosécurité, laboratoire de transformation alimentaire…) et aussi de répondre aux obligations légales lorsque les salariés sont exposés à des travaux insalubres et salissants.
Pas de demande superflue des salariés hormis des WC et une salle de pause
Les salariés expriment une satisfaction globale vis-à-vis de ces équipements : 59 en élevage, 26 en végétal, 7 en services, 1 en paysage. Les employeurs partagent ce constat, mais de manière plus réservée (194 en élevage, 96 en végétal, 67 en services, 2 en paysage). Ces écarts révèlent une perception différente entre le sentiment des employeurs d’avoir répondu à des obligations légales et le contentement des salariés qui profitent du confort de ces équipements au quotidien. Si la majorité des salariés ne formule pas de demandes de changement, ceux qui ne disposent pas des équipements cités précédemment (absence de salle de pause, de sanitaires ou de vestiaires) s’en plaignent fortement et considèrent qu’il s’agit de manquement grave.
Les investissements récents témoignent d’efforts concrets en faveur de meilleures conditions de travail
Les employeurs affirment massivement avoir investi dans l’amélioration des conditions de travail : 292 en élevage, 139 en végétal, 102 en services, 2 en paysage. Les priorités concernent le renouvellement du matériel (221 en élevage, 118 en végétal, 98 en services, 2 en paysage), les bâtiments (219 en élevage, 103 en végétal, 67 en services) et le petit outillage (187 en élevage, 95 en végétal, 70 en services). Ces investissements sont perçus positivement par les salariés et ils confirment par leur réponse les dires des employeurs. Les entreprises agricoles normandes ont donc conscience que les conditions matérielles sont des facteurs d’attractivité importants et qu’il faut régulièrement renouveler le matériel pour réduire la pénibilité et gagner en confort de travail. Les employeurs indiquent que la majorité des acquisitions ou renouvellements a eu lieu au cours des 5 dernières années.
Le Duer et les EPI restent des piliers de la prévention mais les entreprises ont la possibilité de faire plus
Le premier axe de travail sur la prévention des risques consiste à élaborer le Duer (Document unique d’évaluation des risques). La majorité des entreprises le déclare à jour (373 en élevage, 160 en végétal, 86 en services, 3 en paysage). Bonne nouvelle ! Les salariés en reconnaissent également l’existence (63 en élevage, 38 en végétal, 9 en services, 1 en paysage). Le second niveau pour agir sur la sécurité est la présence et l’utilisation des EPI (équipements de protection individuelle). Cette mesure est évoquée par 141 employeurs en végétal, 85 en services, 3 en paysage ; 38 salariés en végétal, 16 en services et 1 en paysage.
En élevage, les entreprises s’attachent surtout au respect de la réglementation et à la conformité des installations (72 salariés).
Quelques salariés, surtout en production végétale, déclarent ne pas se sentir en sécurité (11 cas). Les causes avancées : vêtements inadaptés (3), matériel vétuste ou sans formation (3), bâtiments délabrés (3). Cela souligne l’importance d’équipements adéquats et de la formation à leur usage.
En matière de santé sécurité, les EPI et les conditions de travail sont certes fondamentales mais elles ne sont pas exclusives. Les sources d’accidents ou d’apparition de troubles musculosquelettiques relèvent surtout aussi d’une organisation de travail mal définie, de consignes mal transmises ou d’une répartition du travail inéquitable. La communication permettant de planifier le travail, d’organiser les missions et de recueillir l’avis de tous est tout aussi déterminante.
Bien que majoritairement informelle, la communication évolue vers plus de formalisation
La communication interne permet d’une part d’optimiser le travail mais aussi de cultiver un bon climat social. Dans les entreprises agricoles, l’espace privilégié est la pause-café. La communication s’appuie préférentiellement sur des échanges informels (pauses, cafés, goûters). Employeurs et salariés témoignent des mêmes pratiques et semblent s’y retrouver. Toutefois, ils évoquent aussi des communications « au coup par coup » qui témoignent d’un manque de régularité et peuvent laisser croire que la communication ne s’active qu’en réaction à l’urgence.
Avec la banalisation des outils numériques, les employeurs agricoles peuvent aussi transmettre des consignes ou des informations via des groupes WhatsApp ou par mailing. Ces nouveaux outils facilitent la synchronicité et la transparence dans le partage des informations mais ne remplacent pas les temps d’échange dédiés avec le personnel. Souvent perçues comme une perte de temps, les réunions sont pourtant source de changements et d’amélioration continue si elles sont bien préparées en amont et que les conclusions aboutissent sur des mesures concrètes. Seuls ces temps d’échanges dédiés permettent de prendre le recul nécessaire à une démarche critique et d’identifier des leviers de progrès dans l’entreprise.•
Infos pratiques
Pour vous aider à réaliser votre Duerp et faire le point sur la prévention des risques, des formations sont organisées en commun par la Chambre d’agriculture et la FRSEA Normandie, avec l’outil systera.fr. Si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à contacter votre conseiller Chambre d’agriculture ou la juriste de la FNSEA 76.
CHARLINE POTI, cogérante de la SARL Les Paysages du Val de Sienne, entreprise du paysage à Percy-en-Normandie (Manche), employeuse de neuf salariés et de trois apprentis.
La prévention des risques est un travail collectif qui s’anime au quotidien
Notre entreprise est une structure familiale, à taille humaine, où les conditions de travail des salariés sont au cœur de nos priorités. Pour moi, cela passe avant tout par l’échange, la communication et l’écoute. Nous discutons régulièrement avec nos équipes et les impliquons activement dans les prises de décision, qu’il s’agisse d’investissements, d’équipements ou de la gestion des risques. La prévention est un travail collectif. Par exemple, le Document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) a été élaboré avec la participation des salariés. Aujourd’hui, l’un d’eux participe à son suivi, car ce sont eux qui, au quotidien, sont les plus à même d’identifier les risques réels sur le terrain. Le document reste accessible à tous, il est en permanence sur mon bureau pour consultation. Je fais également partie d’un contrat de prévention des risques avec la MSA, ce qui nous permet d’avoir un accompagnement structuré dans cette démarche.
Les protections auditives thermoformées :
un choix évident pour préserver l’audition des paysagistes
Dans les métiers du paysage, l’exposition au bruit est permanente, les outils électriques, même récents, restent très bruyants. C’est pourquoi la protection de l’audition est une priorité absolue dans notre entreprise. Il y a cinq ans, nous avons fait appel à une entreprise spécialisée en Normandie pour équiper nos salariés de protections auditives thermoformées. Selon les propres mots de mes salariés, ils « ne peuvent plus s’en passer ». Depuis, nous renouvelons ces équipements tous les 4 ans, ou dès l’arrivée d’un nouveau salarié. D’après notre fournisseur, ces protections sont cinq fois plus efficaces qu’un casque classique, ce qui en fait un choix évident pour le bien-être de l’équipe. Je considère que les meilleurs choix sont ceux faits collectivement. J’implique systématiquement les paysagistes dans le choix de leurs équipements, car ce sont eux qui vont les utiliser au quotidien. Par exemple, quand il s’agit d’acheter une nouvelle tondeuse, je fais venir plusieurs modèles, que je dispose dans la cour, et ce sont les salariés qui testent et sélectionnent celle qu’ils préfèrent. Chaque machine est testée avec eux, et leur retour est déterminant dans notre décision finale.Trois fois par an, des temps d’échange avec les salariés sur les EPI
En moyenne trois fois par an, nous organisons ce que nous appelons les “quarts d’heure sécurité”. Ces mini-réunions sont des temps d’échange pendant lesquels nous faisons le point sur le port des équipements de protection individuelle (EPI), rappelons les consignes essentielles comme les risques liés à la chaleur, le bruit ou l’importance de l’échauffement le matin et abordons un thème précis, annoncé à l’avance. Même si nous appelons cela un “quart d’heure”, nous prenons tout le temps nécessaire pour répondre aux questions et écouter les besoins exprimés par les salariés. Ces réunions pourraient avoir lieu plus fréquemment, mais il est important de ne pas saturer les salariés avec trop de messages sur la sécurité, au risque de les démobiliser. Malgré toutes les précautions prises, il ne faut pas oublier que les métiers du paysage restent physiques et exigeants. C’est un travail qui peut être éprouvant, on travaille la terre, souvent à genoux, accroupi, dans des postures difficiles. Il est donc essentiel de rester vigilant, de bien s’équiper et de continuer à sensibiliser chacun aux risques
du métier.
Propos recueillis par Marc Lemonnier, Can
Dans le cadre du Contrat d’objectifs porté par la Région Normandie sur le thème de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), l’Association des salariés agricoles de Normandie, la Chambre d’agriculture de Normandie, EDT Normandie, la FRSEA Normandie, l’Unep, Activ’Emploi ainsi que l’Anefa ont conduit des enquêtes pour mieux comprendre les attentes des salariés vis-à-vis de leur emploi et de leurs employeurs, ainsi que celles des employeurs envers leurs salariés.
Ces enquêtes s’appuient sur les réponses de 151 salariés et de 574 employeurs, représentant à eux seuls 2 664 salariés.