Prévention du mal-être en agriculture
« Nous sommes dans un inconfort permanent »
Venu prendre le pouls des agriculteurs sur le terrain, Olivier Damaisin, coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture, a rencontré un exploitant de l’Eure, jeudi 21 septembre. Témoignage.
Venu prendre le pouls des agriculteurs sur le terrain, Olivier Damaisin, coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture, a rencontré un exploitant de l’Eure, jeudi 21 septembre. Témoignage.
Être entouré par une famille. Être en lien avec des clients sur les marchés ou à la boutique de la ferme. Et malgré tout se sentir seul. « Cela a été mon cas, comme pour beaucoup d’autres », confie Pierre (prénom d’emprunt), éleveur de l’Eure. II témoigne de son mal-être lors d’une visite d’Olivier Damaisin, coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture, jeudi 21 septembre. « Je suis ici pour avoir votre ressenti en tant qu’agriculteur. Il faut libérer la parole, créer des liens », insiste, en préambule Olivier Damaisin, chargé de mettre en place une feuille de route pour apporter de l’aide aux agriculteurs.
Son parcours
En 2002, Pierre, marié et père de deux enfants, reprend une partie de la ferme familiale, alors tenue par son père et crée un atelier de transformation pour diversifier sa production. En 2009, alors qu’il devient chef de l’exploitation – 100 ha, 80 animaux élevés en vente directe – son père décède d’une maladie, quelques semaines après avoir pris sa retraite. « Nous étions en conventionnel. Je suis passé en agriculture biologique. » La vie suit son cours, mais le mal-être s’installe – Pierre était seul à gérer le troupeau. Manque de personnel, débordement administratif et, avec cela, le harcèlement, « que je vis très mal. C’est dehors, au téléphone, sur les réseaux. Les gens ne sont réellement pas informés du métier d’agriculteur. Oui, on peut dire que j’étais en situation de mal-être, se répète Pierre, qui, à l’époque, était à bout. Lorsqu’on en est là, on se pose des questions, on tourne en rond. On se sent seul sur la ferme alors qu’on est entouré, on cherche des projets… On peine à avancer. »
Alerter
C’est en 2017 que l’éleveur lance un appel à l’aide : ses enfants lui font sentir qu’ils sont en manque de leur père. « J’ai pris rendez-vous avec une assistante sociale de la MSA pour qu’elle m’appuie dans les papiers administratifs. J’ai bénéficié de l’aide au répit de la mutualité. Je me suis aussi rapproché de l’association Réagir qui propose des accompagnements personnalisés, poursuit l’éleveur. Depuis très récemment, j’ai réussi à prendre des congés en étant accompagné par le Cercle d’échanges. Ce n’est pas vieux du tout, mais j’y arrive. » Tout cela consolide l’éleveur mais ce n’est pas suffisant. Pierre souhaite alerter Olivier Damaisin sur le manque de main-d’œuvre, la pression sociétale et les incohérences législatives pour “bétonner” les accompagnements et que cela n’arrive pas à d’autres. « Les réglementations s’empilent et sont pleines de contradictions. On n’est pas sûr d’être réglo tout en ayant le sentiment d’avoir fait le maximum. Nous sommes dans un inconfort permanent. » •
* Cercle d’échanges, allée de la Croix-Verte, 27110 Le Neubourg. contact@ce27.fr, tél. : 02 32 35 77 75.
Recrutement à la ferme