Le consommateur encore trop souvent abusé
À l'appel de la FNSEA 76 et de JA 76, une quinzaine d'agriculteurs et membres du conseil d'administration de la fédération sont allés inspecter les produits en rayon d'une enseigne de grande distribution de Mont-Saint-Aignan. L'action a visé à alerter les pouvoirs publics et les consommateurs.
À l'appel de la FNSEA 76 et de JA 76, une quinzaine d'agriculteurs et membres du conseil d'administration de la fédération sont allés inspecter les produits en rayon d'une enseigne de grande distribution de Mont-Saint-Aignan. L'action a visé à alerter les pouvoirs publics et les consommateurs.
À l'issue du conseil d'administration du vendredi 26 septembre, les élus se sont donné rendez-vous dans une enseigne de grande distribution de Mont-Saint-Aignan pour aller constater les incohérences des politiques agricoles française et européenne menées. "Alors que se joue l'avenir du Mercosur, que la politique agricole commune va prochainement connaître une nouvelle réforme, que les aléas climatiques fragilisent les exploitations et que les crises sanitaires frappent de plein fouet les élevages, nous avons besoin d'un cap clair donné par les pouvoirs publics et d'un soutien fort des consommateurs, rappelle Bruno Ledru, président de la FNSEA 76, sur le parvis du centre commercial. Nous sommes ici pour vérifier les produits proposés, en ciblant les produits importés non conformes aux standards de production français. Car l'enjeu défendu est bien celui de la souveraineté alimentaire." "Ce que nous allons découvrir n'est pas spécifique à ce magasin, souligne-t-il par avance. C'est comme cela dans l'ensemble des GMS du pays".
Pour l'heure le sujet attire la presse locale écrite et télévisée qui sont au rendez-vous.
Un parcours du combattant pour le consommateur
Philippe Levavasseur, agriculteur en polyculture élevage à Fresne-le-Plan, se charge d'expliquer dans le détail pourquoi il s'est mobilisé dans le cadre de cette action symbolique. Au nombre des motifs : l'origine du produit. "Le consommateur croit acheter français. Or il est souvent très vite berné par le marketing d'une marque ou les ingrédients susmentionnés qui ne sont pas tous bien explicités", précise l'agriculteur, constatant que rien n'avance en la matière, et d'ajouter : "D'autant que la France continue d'importer des produits qui ne respectent pas les règles de production qui nous sont imposés. Ici, nos politiques veulent laver plus blanc que blanc, C'est déloyal, pas logique et pas cohérent". "Nous regardons donc précisément les fruits et légumes, les viandes et produits transformés, le sucre...", relate Philippe Levavasseur une fois dans les rayons tandis que le caddy se remplit assez vite de produits jugés "déloyaux" et que ses confrères collent des stickers sur des produits venant de pays tiers : pâte à tartiner de noisettes turques ou marocaines, fromages et beurres de marque françaises mais au lait d'origine UE, sucre venu d'ailleurs tandis que les producteurs de betteraves français voient leurs rendements chutés dans un contexte de cours en berne et de fermeture de sucreries... Au rayon des fruits et légumes, des pommes arrivées tout droit de l'autre côté de l'Atlantique soulèvent la consternation : le pays producteur n'interdit aucunement l'acétamipride, ce néonicotinoïde dont la réintroduction a été jugée non conforme par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi Duplomb, mais que les Français... achètent et consomment en masse.
Sur le terrain, le ras-le-bol l'emporte
Autre motif de la mobilisation : le Mercosur. "Là nous sommes dans l'incompréhension. On se sent complètement lâchés, ajoute Christophe Barbulée, producteur laitier et président du canton de Duclair, avant d'enfoncer le clou. On n'entend pas de politiques agricoles avec une vraie ligne française qu'on pourrait interpréter. On n'a pas un Premier ministre qui tient plus de six mois depuis un certain temps. On n'a pas de pilote, quoi. " "Avec Terres de Jim en septembre à Vieux-Manoir, nous avons eu une manifestation magnifique, renchérit Philippe Levavasseur. Nous n'avons pas un politique français, pas un représentant du gouvernement qui a été présent. C'est un peu comme si on faisait la fête de l'école et que la directrice n'était pas là..." "Ce que j'explique là, par un exemple local, montre ce qu'on constate depuis plusieurs mois. L'agriculture est vraiment plus qu'au second plan. Elle est la variable d'ajustement du commerce et le Mercosur en est la preuve". "Cette stratégie est une vraie erreur, assène-t-il, parce qu'on a beau ne pas être très nombreux, nous les agriculteurs, nous faisons quand même tourner l'économie, on crée du PIB, de la richesse, et on voudrait que ça continue. " "Je rappelle juste qu'après la Covid, en France, on nous parlait d'autosuffisance alimentaire française. Là, le sujet a complètement disparu."
Dans les allées de la GMS, quelques consommateurs d'abord intrigués apportent très vite leur soutien à l'opération au motif évident que la France a des produits de qualité qu'il convient de soutenir et que le maintien d'une agriculture est nécessaire pour faire vivre les territoires ruraux. "Nos actes d'achat doivent en témoigner, nous aussi sommes responsables", disent certains.
Expliquer... encore et encore
Après deux heures passées dans le magasin, et au vu du nombre de stickers apposés avec le motif "produits importés non conformes à nos normes", le président de la FNSEA 76 dresse un bilan amer : " L'origine France plaît au consommateur, c'est certain, mais quand il va faire son choix d'achat, il est nécessaire qu'il ait la bonne information pour vraiment consommer ce dont il a envie au départ". Un avertissement tandis que la colère gronde ici et là dans les fermes françaises.•