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Un budget de la Pac raboté

Le commissaire européen à l'Agriculture se félicite d'être parvenu à sauver la Pac en lui assurant un budget dédié et une réglementation distincte, ce qui " n'était pas gagné ". Et pour cause, les propositions de cadre financier pluriannuel 2028-2034 et de réforme de la Pac ont fait l'unanimité contre elles dans l'agricole.

© Image générée par IA

"L'agriculture et la cohésion restent au cœur de notre budget ", a affirmé, le 16 juillet, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à l'occasion de sa proposition de cadre financier pluriannuel (CFP), " le plus ambitieux jamais proposé ", qui va définir l'action de l'UE pour la période 2028-2034. Pourtant, pour la Pac, le compte n'y est pas, selon une vaste majorité d'observateurs.

Sur les 2 000 milliards d'euros (Md€) de fonds qui constituent le prochain budget de l'UE, en nette augmentation par rapport à 2021-2027, 293,7 Md€ seront directement fléchés vers les nouvelles aides au revenu des agriculteurs auxquels il faut ajouter les 6,3 Md€ de la réserve agricole pour faire face aux crises (dont le financement a été doublé). Cela représente, néanmoins, une baisse par rapport à la période précédente d'environ 20 % (387 Md€, dont 270 Md€ pour les aides directes aux agriculteurs). Pire, le budget agricole sera encore plus dépendant du bon vouloir des États membres qui pourront y accorder (ou non) une attention plus importante au sein de plans nationaux et régions qu'ils auront la charge de définir sur recommandations de la Commission. La Pac se renationalise, de facto, davantage par rapport aux précédents exercices, accélérant la tendance entraperçue avec les plans stratégiques. Une évolution vers moins d'intégration en somme.

Une Pac " sauvée "

Mais pour Bruxelles, le discours est tout autre. " Pour les agriculteurs, cela signifie une chose : leurs revenus et leur soutien sont préservés et ils peuvent planifier et investir avec plus de confiance ", a indiqué Christophe Hansen lors de la présentation, se félicitant d'avoir " sauvé la Pac " en " sanctuarisant " une partie des aides au revenu des agriculteurs, dont les contours ont évolué. " Ce budget est réservé uniquement au soutien du revenu des agriculteurs et ne peut faire l'objet d'aucune flexibilité ". Il assure, à ce titre, que les éléments qui n'étaient pas des éléments de soutiens directs aux agriculteurs ont été retirés de la Pac, expliquant ainsi les changements budgétaires. " Et c'est un montant minimum ", martèle-t-il affirmant que " les États membres pourront dépenser davantage en fonction de leur besoin dans le cadre des plans régionaux et nationaux ". Au sein de ce nouveau cadre, l'aide à l'hectare, le soutien couplé et l'aide spécifique au coton seront totalement financés par l'UE. À côté, le paiement pour les contraintes naturelles, l'aide pour les désavantages résultant de certaines exigences obligatoires, et les actions agroenvironnementales et climatiques seront cofinancés par les États membres. Aucun montant maximal n'est prévu mais la Commission précise que le financement national ne peut être inférieur à 30 % du coût total estimé de chaque intervention. A contrario, l'exécutif fixe à 85 % le taux de soutien maximal applicable aux interventions en faveur des jeunes agriculteurs.

En l'espèce, la proposition de CFP répond, au moins en partie, aux demandes exprimées par les parties prenantes, les États membres et le Parlement européen lors de la phase consultative, à savoir : le maintien d'un budget dédié et de son caractère spécifique. Toutefois, Bruxelles n'a pas repris la structure en deux piliers même si sa substance demeure dans le cadre fusionné. " Nous proposons de fusionner les deux fonds existants de la Pac en un seul ensemble cohérent d'instruments, en éliminant les chevauchements et en créant une seule politique ", a précisé Christophe Hansen.

Une analyse complexe

Pour l'heure, il reste difficile d'évaluer la perte financière pour le secteur agricole, étant donné qu'une partie des outils ont été sortis de cette enveloppe, comme l'initiative Leader, le programme de distribution de lait, fruits et légumes à l'école ou Posei. L'exécutif européen promet que les règles de financement seront simplifiées, notamment en matière de paiements, de contrôles et d'audits. Concernant la promotion agricole, Hansen assure que les fonds seront " très importants ". Enfin, la Commission prévoit un mécanisme qui ajusterait l'enveloppe de la Pac sur l'inflation avec un déflateur de 2 % quand l'inflation est entre 1 et 3 %. Et elle serait ajustée à l'inflation réelle en dehors de cette fourchette.

La balle est maintenant dans le camp des chefs d'État et de gouvernement qui auront à se prononcer sur le financement et la structure de ce nouveau CFP. Avec une dizaine d'articles figurant dans le règlement sur les plans nationaux et régionaux portant sur la Pac, de nombreux éléments de la réforme devraient donc être tranchés par le Conseil européen : les types d'interventions de la Pac et leurs exigences ; les règles concernant les paiements de crise aux agriculteurs à la suite de catastrophes naturelles, d'événements climatiques défavorables ; le suivi des ressources agricoles. Et ce nouveau budget crée déjà des remous. " Une augmentation substantielle du budget de l'UE est inacceptable à l'heure où tous les États membres font des efforts considérables pour consolider leurs budgets nationaux ", a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand, Stefan Kornelius. De son côté, la France, via son ministre en charge de l'Europe, a salué " l'ambition " du nouveau CFP tout en rappelant que le revenu des agriculteurs sera l'une de ses priorités.•

Le “Mercredi noir” de l'agriculture européenne

" La Commission a décidé de démanteler le caractère “commun” de la Pac par des coupes budgétaires dissimulées sous couvert d'un prétendu “fonds unique”, ainsi que par une renationalisation complète justifiée par de prétendues vertus de simplification administrative " dénonce le Copa-Cogeca qui organisait une manifestation devant le siège de la Commission à Bruxelles. L'organisation considère que " les fondements mêmes de la politique agricole européenne sont mis à mal et démantelés lors de ce qui pourrait bien être un “Mercredi noir” à Bruxelles ". " Nous appelons les colégislateurs européens, en particulier la commission de l'agriculture et les ministres, à se saisir " de la question " et à traduire les paroles de soutien à l'agriculture en actions concrètes ". " La fusion des deux piliers de la Pac dans un fonds unique constituerait une dilution pure et simple du budget agricole, et ferait peser à elle seule un risque budgétaire majeur sur l'agriculture européenne, soumise aux arbitrages variables des États membres ", constate la FNSEA. De plus, le projet de réforme de la Pac " ne porte aucune ambition économique pour l'agriculture européenne ! Le nouveau cadre de performance envisagé est en effet dominé par des indicateurs environnementaux, sans aucun objectif clair en matière de production, de compétitivité ou de souveraineté alimentaire ". " On nous avait promis des consultations. On nous avait promis des évolutions. Nous ne récoltons aujourd'hui que des provocations ! J'appelle la présidente de la Commission, Madame von der Leyen, à retrouver la raison et à revoir sa copie. Et j'invite le commissaire Hansen à peser de tout son poids pour inverser la tendance. Sans quoi, si la Commission persiste à se boucher les oreilles, nous reviendrons à Bruxelles pour nous faire entendre plus fort ", ajoute Arnaud Rousseau, président de la FNSEA.

De son côté, Jeunes agriculteurs considère le projet de la Commission comme " un renoncement historique ". La baisse du budget est " inacceptable ! La Commission brade notre souveraineté agricole et alimentaire ". Toutefois, JA salue " certaines intentions positives " comme " les annonces en faveur de l'installation des jeunes, telles que la création des “starters pack”, la majoration des aides surfaciques pour les jeunes agriculteurs " ou encore " la volonté de concentrer les aides sur les agriculteurs actifs et productifs ". " La Commission doit revoir sa copie sans attendre et doter la prochaine Pac de moyens suffisants. Faute de dialogue et de réponse favorable, elle devra faire face à la colère agricole ".

Ursula von der Leyen " remet en cause les principes fondateurs de la Pac en la diluant dans d'autres fonds et en révolutionnant les outils ", déplore La Coopération agricole. " Préserver le budget et les instruments de la Pac, c'est préserver la souveraineté alimentaire de l'UE et donc sa sécurité (...) Nous attendons une mobilisation du gouvernement français et des parlementaires européens pour réaffirmer le caractère stratégique de l'agriculture et de l'alimentation et donc la nécessité d'une Pac ambitieuse qui permettra à l'Europe de répondre aux enjeux d'aujourd'hui et de demain ", déclare Mickaël Mercerou, vice-président Europe de La Coopération Agricole et vice-président de la Cogeca.

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