Roxane : un film qui prend aux tripes.
Quatre nominations au festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez 2019 et premier long métrage de la réalisatrice française Mélanie Auffret, Roxane est dans les salles depuis mercredi 12 juin.
Nous avons mis nos téléphones en mode avion, nous nous sommes confortablement installés dans un fauteuil rouge du cinéma Pathé, à Evreux, et « en avant Guingamp » (dixit un des protagonistes du film)... 1 h 28 plus tard, nous vous livrons nos impressions.
Encore (et toujours) les agriculteurs...
Pour être totalement honnête, nous avons de grosses difficultés à nous entendre avec les salles obscures. Des films qui traînent en longueur, des histoires auxquelles nous n'accrochons pas, des sièges peu confortables, la climatisation à fond en hiver et inexistante en été... Bref, notre rapport avec les cinémas n'ont jamais été sous leurs meilleurs hospices. Mais lorsqu'il faut, il faut... Ni une, ni deux, jeudi 13 juin, nous prenons notre ticket et direction la salle 7 pour la séance de 11 h 15. Une heure sympa car la salle vous appartient, enfin presque !
Sur le papier, le long métrage Roxane pourrait paraître fade. (Encore), une histoire d'agriculteur qui rencontre des soucis pour faire vivre son exploitation. Encore ? Oui ! Comme Normandie Nue (2018) ou Le Petit Paysan (2017), le film nous emmène dans un monde agricole où l'on doit lutter pour survivre. Cliché ? Et bien non ! Le scénario tient la route. Et tout cela, sans tomber dans la tartufferie.
Un sujet de société transformé en bijou
Raymond (Guillaume de Tonquédec) est un petit producteur d'oeufs bio, à Corlay, dans les Côtes d'Armor. Sa première particularité : être toujours accompagné de Roxane (poule Sussex), mi chien, mi perroquet. La seconde : prendre soin de ses poules - pondeuses - rousses en leur déclamant des tirades de Cyrano de Bergerac. Piètre comédien mais amoureux de son exploitation, Raymond va tenter de faire le « buzz » sur Internet pour sauver sa ferme menacée par la concurrence des gros producteurs.
La comédie est touchante, émouvante, drôle, poétique avec du Molière ou du Guitry mais également triste lorsque le suicide d'un agriculteur est évoqué. Vous pourrez sourire, verser quelques larmes aussi. La réalisatrice, dont les grand-parents étant agriculteurs en Bretagne, a réussi à capter la réalité de nos campagnes sans tomber dans les excès, les a priori et la mièvrerie.
Un film sur la basse-cour qui assure dans la cour des grands !
Mélanie Auffret, réalisatrice
Comment vous est venue l'idée de ce long métrage ?
Quand mon producteur m'a appelée pour me demander si j'avais une idée de long métrage, j'avoue que je n'en avais pas encore ! J'ai donc retardé au maximum la date de notre rendez-vous et je suis repartie passer du temps chez moi, dans les fermes du centre-Bretagne, car je savais que je trouverais l'inspiration au contact du terrain. Un matin, j'étais à la traite avec un éleveur du coin. Comme beaucoup d'agriculteurs, il est assez taiseux, mais il a fini par me confier qu'il avait souvent récité des textes de théâtre à ses vaches pendant la traite. Il avait arrêté l'école trop tôt pour y découvrir les grands auteurs et ce plaisir secret était pour lui une façon de combler sa frustration. J'ai trouvé l'anecdote si jolie qu'elle a immédiatement fait naître l'idée de Roxane. Ce qui est drôle, c'est qu'en racontant, plus tard, l'histoire de mon film à sa femme sans lui dire qui me l'avait soufflé, elle s'est exclamée « incroyable, il n'y a que le cinéma pour inventer des choses pareilles » !