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Réduire l'astreinte pour attirer la relève

Les éleveurs laitiers et les porteurs de projets étaient invités le 13 novembre à une journée laitière organisée à Bois-Guillaume par la FNSEA 76, en collaboration avec la Chambre d'agriculture de Normandie et le Criel. Après un retour sur l'actualité de la filière, il a été question de l'astreinte et des possibilités de la réduire. 

Fini les horaires à rallonge, les éleveurs - et ceux qui se préparent au métier - souhaitent désormais avoir davantage de temps à consacrer à leur famille, à leurs loisirs ou à des engagements extérieurs. Revoir son organisation pour réduire l'astreinte est donc un sujet majeur qui a attiré une soixantaine de professionnels.

Les trois défis

En introduction de cette journée, Ludovic Blin, vice-président de la FNPL, a tout d'abord rappelé quelques données qui structurent le marché français : 44 000 exploitations laitières sont actives sur le territoire national avec une production annuelle de 23 milliards de litres de lait. Par ailleurs, la demande en lait et produits laitiers est en augmentation constante, avec une croissance de plus de 1,7 % tous les ans. Pour répondre aux besoins du marché, les éleveurs sont donc fortement sollicités.

"Face à une demande en progression régulière, le premier défi des éleveurs laitiers demeure l'augmentation de la production, a-t-il déclaré. Il faudra toujours produire plus et toujours mieux. Cette exigence de quantité s'accompagne nécessairement d'un impératif de qualité et de durabilité, inscrivant la filière dans une dynamique d'amélioration continue des pratiques d'élevage."

"Le deuxième grand défi est lié aux évolutions environnementales, a ajouté Ludovic Blin. Le climat évolue, et la filière laitière, comme l'ensemble du secteur agricole, doit s'y adapter. Cela implique de repenser les systèmes fourragers, de gérer l'accès à l'eau, et d'assurer le bien-être des animaux face à des événements météorologiques de plus en plus extrêmes. C'est une adaptation permanente pour garantir la survie des exploitations".

"Le troisième défi, qui est sans doute le défi le plus critique pour l'avenir de la filière, c'est celui du renouvellement des générations et l'attractivité du métier. Les chiffres soulignent une pyramide des âges préoccupante : l'âge moyen des éleveurs laitiers est de 55 ans en France (et 57 ans en Europe). Le nombre de jeunes ne représente que 12 % de la profession." Et Ludovic Blin de souligner que l'un facteur clé de ce manque d'attractivité est l'astreinte du métier, ce quotidien journalier peu différable qui peut décourager les jeunes.

Conjoncture et enjeux de la filière

Alix Jeanneney, chargée de projet économie au Cniel, est quant à elle revenue sur la conjoncture laitière. "La filière bénéficie d'une conjoncture davantage favorable, le prix du lait ayant augmenté de plus de 43 % depuis 2020. Cette revalorisation s'accompagne d'une légère croissance des volumes produits, affichant une hausse de 0,7 % par rapport à 2024." Toutefois malgré ces signaux économiques positifs, la filière fait face à des changements de structure engendrée par une vague de départs massive : "38 % des producteurs de lait actifs en 2018 ont quitté le secteur en 2024". Cette concentration conduit les exploitations restantes à se moderniser et à se développer, ce qui se traduit par l'optimisation de la production par vache, le développement de la robotisation, un recours accru au salariat et l'augmentation constante de la taille des exploitations.

"Positiver"

À la lumière de ces chiffres, le vice-président de la FNPL a insisté sur la nécessité de travailler sur une amélioration de l'équilibre vie professionnelle/vie privée. "La FNPL, en collaboration avec la filière France Terre de Lait, est mobilisée sur ce point".

Présent dans la salle, Guillaume Férey, polyculteur-éleveur laitier à Englesqueville-en-Auge (Calvados) et secrétaire général de la FDSEA 14, a renchéri sur le sujet. Il invite aussi les agriculteurs à mieux communiquer sur le métier. "Il faut ramener du positif dans nos discours, montrer que notre métier nous rémunère et que nous aussi nous pouvons avoir un confort de vie, nous octroyer des vacances et améliorer notre outil de travail pour qu'il soit moins contraignant", a-t-il déclaré. Florence Mullie, exploitante aux Loges, a abondé en ce sens, précisant que "dans les exploitations, il y a de plus en plus de femmes, salariées comme apprenties, et qu'il faut mieux les considérer".

Deux OAD pour aider à mesurer l'astreinte

Bénédicte Audoin, conseillère d'entreprise organisation du travail à la Chambre d'agriculture de Normandie, a fourni quelques chiffres sur le temps d'astreinte dans les exploitations, soulignant qu'"il a augmenté de 14 heures en plus par semaine entre 2013 et 2018". Il est possible de revoir ce temps d'astreinte. En ce sens, elle a présenté deux outils d'aide à la décision (OAD) pour mieux l'évaluer puis le réduire.

Premier outil, "Aptimiz", une solution payante par abonnement, pour mesurer en temps réel le temps de travail par atelier et par individu. Gildas Gedouin, 54 ans, agriculteur dans la Manche, a témoigné de l'utilisation qu'il a fait de cet outil. "Cette technologie est intéressante. J'étais en réflexion sur l'optimisation de mes ateliers, Aptimiz m'a permis de valider des hypothèses sur la durée nécessaire à chaque tâche car elle enregistre très précisément le temps passé. Ses données sont factuelles ; elles me servent au quotidien sur mon exploitation." Par ailleurs, elles permettront à Gildas Gedouin lors de sa transmission de présenter au futur repreneur des chiffres attestant du temps nécessaire à chaque atelier.

Le second outil, "Ma calculette temps de travail", est développé par les Chambres. Il évalue le volume de travail, identifie les pics de travail, repère les ateliers chronophages, calibre les besoins de main-d'œuvre et facilite le calcul des coûts de production en amont d'un projet. "C'est un outil de prévision, explique Bénédicte Aubouin. Son objectif premier est de voir le volume de travail que représente un atelier. Ce sont des données moyennes issues d'un grand nombre d'exploitations. Cette calculette permet d'anticiper la charge de travail prévisionnelle sur l'exploitation et entre ateliers, afin de construire un projet durable ".

La table ronde de l'après-midi a permis de donner la parole à trois éleveurs laitiers. Ils ont tour à tour témoigné de ce qu'ils avaient mis en place pour réduire l'astreinte dans leur exploitation respective*. Le premier s'est tourné vers une mécanisation importante, le second vers la délégation, le troisième vers une simplification de son système.

" Il est important que nous réfléchissions collectivement aux moyens qui nous sont aujourd'hui offerts de revoir, chacun chez soi, et selon nos objectifs individuels notre temps d'astreinte, a souligné en conclusion de la journée Franck Grémont, président de la section lait de la FNSEA 76. Les réponses peuvent être diverses et variées. L'objectif est de bien cerner ce que l'on veut en amont."•

* La rédaction de l'Union agricole reviendra très prochainement et en détail sur le témoignage de ces trois éleveurs, chiffres à l'appui.

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