PPL Contraintes : vers une cure d'amaigrissement à l'Assemblée
L'examen en commissions de la proposition de loi qui vise à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur est terminé. Plusieurs mesures phares ont été détricotées. Prochaine étape : son examen en séance plénière à l'Assemblée nationale à partir du 26 mai.
L'examen en commissions de la proposition de loi qui vise à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur est terminé. Plusieurs mesures phares ont été détricotées. Prochaine étape : son examen en séance plénière à l'Assemblée nationale à partir du 26 mai.
Pour l'heure, voici ce qu'il faut retenir de ce qui s'est passé en commissions.
Pesticides : vers un conseil stratégique obligatoire
La fin de la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs de pesticides aura été le sujet le plus consensuel au sein du bloc central et de la droite. En commission, les députés ont rejeté les amendements de suppression de cet article, émanant de la gauche, et adopté de premières modifications. Ils ont en revanche dit "oui" au principe d'une facturation différenciée pour les activités de conseil et de vente, comme proposé par le CGAAER. Objectif : permettre aux agriculteurs de pouvoir comparer les tarifs de conseil des distributeurs avec ceux des conseillers indépendants. Ce faisant, ils ont supprimé le caractère obligatoirement onéreux des conseils, prévu par le texte du Sénat - autrement dit, la facture du conseil peut être égale à zéro.
Les députés ont aussi précisé que le conseil stratégique était obligatoire, sans toutefois préciser de périodicité, au grand regret des socialistes, qui proposaient de le rendre bisannuel. Prévu par la loi Egalim, le conseil stratégique aurait dû être réalisé deux fois tous les cinq ans, mais un moratoire a été annoncé avant les dates butoir, par Gabriel Attal en février 2024. Au printemps 2024, la ministre déléguée de l'Agriculture, Agnès Pannier-Runacher, avait émis le souhait que le conseil stratégique devienne "facultatif". Le cadrage du conseil stratégique est renvoyé à un décret en Conseil d'État. Les députés ont tout de même inscrit qu'il devait inclure la réduction des gaz à effet de serre, la gestion de l'eau, de la fertilisation et des sols. De même, il pourra donner lieu à un accompagnement dans le traitement des démarches administratives, pour les agriculteurs en difficulté.
Réforme de l'Anses bloquée, retour de l'acétamipride accepté
Avec l'acétamipride, la réforme de l'Anses a été le sujet le plus chaud, divisant le bloc central. Finalement, les députés ont rayé cette réforme de la gouvernance de l'évaluation des autorisations de mise sur le marché (AMM) des pesticides par l'Anses, qui consistait notamment à créer un comité d'orientation, incluant les professionnels. La suppression a été soutenue par le groupe Ensemble pour la République (macronistes), avec le soutien de députés Modem et de la gauche (socialistes, écologistes, LFI), contre l'avis du rapporteur LR Julien Dive, de la droite, jusqu'au groupe Horizons. Selon le média Contexte, le gouvernement prépare, en vue de la séance publique, un amendement de repli ; il enjoindrait le directeur de l'Anses à intégrer, dans l'agenda d'examen des AMM, les usages qui seraient jugés prioritaires pour les filières, ceux-ci étant définis par des scientifiques.
Quant aux défenseurs de l'acétamipride, ils ont eu chaud. Après avoir été adoptés en Commission du développement durable, les amendements qui visaient à supprimer les dispositions permettant de réautoriser ce néonicotinoïde sous conditions et de manière dérogatoire ont finalement été rejetés par la Commission des affaires économiques (Coméco). Le principal amendement visant à supprimer tous les alinéas concernés a été rejeté par 23 voix contre 18. Les députés ont précisé que la dérogation était d'une durée de trois ans, renouvelable.
Retour à la version initiale pour les ICPE d'élevage
Sort similaire pour l'assouplissement des procédures liées aux installations classées pour l'environnement (ICPE) en élevage, supprimées pour avis, puis finalement maintenues. Après que la Commission développement durable les avait adoptés avec le soutien des socialistes, les députés de la Coméco ont rejeté les amendements de suppression de l'article 3 qui réunit des dispositions relatives aux ICPE d'élevage. Les socialistes ont finalement accepté d'opérer un "bougé" dans ce dossier, a indiqué la députée socialiste du Finistère, Mélanie Thomin.
Les députés de la Coméco ont aussi décidé de revenir à la version initiale de cet article. Dans sa version originale, l'article 3 vise à assouplir les procédures ICPE, revenant notamment sur les dispositions de la loi Industrie verte, dont s'étaient plaintes les coopératives d'éleveurs bretons de l'UGPVB (Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne). Des modifications apportées par le Sénat avaient été critiquées par ces mêmes coopératives, considérant qu'elles allaient à l'encontre de leur objectif de simplification (nombre de réunions publiques, durée des consultations...).
OFB : pas de renforcement du rôle du préfet
Enfin la commission du Développement durable n'a pas fait de détail avec les deux articles sur lesquels elle était saisie au fond, qui visent l'Office français de la biodiversité (OFB), l'eau et les zones humides. Les députés ont adopté un amendement de suppression des dispositions relatives au rôle du préfet auprès des agents de l'OFB, qui figuraient dans l'article 6. Introduite par le gouvernement au Sénat, la mesure visée rend explicite, dans le Code de l'environnement, que les missions de police administrative de l'OFB sont placées sous l'autorité du préfet, tandis que les missions de police judiciaire sont sous l'autorité du procureur de la République. Il renforce aussi le rôle du préfet en précisant qu'il valide " la programmation annuelle des contrôles " de police administrative.
En commission, la rapporteure Renaissance Sandrine Le Feur a défendu le gouvernement, indiquant que " l'article vient sécuriser le fonctionnement de l'OFB ", à la demande " du directeur et des salariés ". Faux, a rétorqué le député Modem Richard Ramos, qui estime avoir rédigé son amendement de suppression, " avec les agents ". Sur le fond, Delphine Batho (EE-LV) estime que le texte retire aux agents la possibilité de transmettre des PV aux procureurs sans contrôle hiérarchique, ce qui ferait craindre des risques de censure de l'administration. La procédure actuelle passerait effectivement par la hiérarchie, qui aurait toutefois l'obligation de la transmettre, ont répondu plusieurs députés.
Eau/zones humides : pas de quartier
Les députés ont supprimé l'article 5, qui réunit plusieurs dispositions liées à la gestion de l'eau et aux zones humides. Le vote a été emporté avec la voix du député Modem Hubert Hot et l'avis favorable de la rapporteure Renaissance Sandrine Le Feur. L'article 5 crée notamment une présomption d'intérêt général majeur pour les retenues de stockage d'eau à vocation principalement agricole, ou introduit la notion de " zone humide fortement dégradée ". L'idée avait été introduite au Sénat par le gouvernement, pour des milieux qui " ne sont plus en mesure, en l'état, de remplir les fonctions spécifiques essentielles caractérisant les zones humides ". Ces zones dites "non fonctionnelles" seraient classées selon des conditions précisées par décret, incluant " l'état du sol et l'usage pérenne qui en est fait, tant que celui-ci n'est pas arrêté ou abandonné ".
Dans le texte initial, les sénateurs proposaient de revenir à une définition en vigueur selon eux depuis 2019, à savoir un double critère cumulatif de terrain hydromorphe et végétation hydrophile. Or, indiquait le gouvernement, avec une telle définition, " la simple suppression de toute végétation caractéristique ne permettrait plus de les reconnaître comme zones humides. "•
FNSEA et JA appellent à de " nouvelles actions "
Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a appelé le 15 mai à " de nouvelles actions " en France à partir du 26 mai, date du début de l'examen à l'Assemblée en séance publique de la proposition de loi Entraves. " À partir du 26 mai, nous appelons, avec les Jeunes agriculteurs, à une nouvelle manifestation, à de nouvelles actions, parce que nous considérons aujourd'hui que, après avoir manifesté, travaillé, subi tout ce qui se passe sur le plan politique, […] les promesses qui nous sont faites ne sont pas là et c'est intolérable pour nous ", a-t-il déclaré sur RMC. Adopté au Sénat en première lecture et examiné en commission à l'Assemblée la semaine dernière, ce texte est considéré comme " vital " par la FNSEA, car il répond aux attentes qu'elle a exprimées après la crise de l'an dernier. M. Rousseau estime que la parole donnée par le gouvernement " n'est pas tenue ", car le texte, qui prévoit notamment de faciliter le stockage de l'eau, l'accès aux pesticides ou l'agrandissement des élevages, est " détricoté " en commission à l'Assemblée. " Nous n'avons aucune certitude sur ce qui se passera à la fin, ce que voteront les députés. Il est important pour nous de nous mobiliser et de nous faire entendre ", a t-il précisé. Interrogé sur la mobilisation envisagée, il a indiqué que cela se ferait " à la fois à Paris et en province ", à travers sans doute des " actions ponctuelles ".