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Observateur mitrailleur à 20 ans dans les Aurès

Daniel Cadet vient de publier un livre La guerre d’Algérie à vingt ans. Entretien avec un auteur plutôt connu dans la profession agricole. Et pour cause, il a été le directeur de l’Union syndicale agricole de 1975 à 1996.

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Daniel Cadet devant l’une de ses photos réalisées en mission. Un souvenir longtemps accroché au mur dans son bureau à Bois-Guillaume. « La guerre d’Algérie a été pour moi une occasion de me révéler ».
© vsorieul

C’est le nom donné à la rue d’une petite ville seinomarine, “le 19 mars 1962 fin de la guerre d’Algérie” qui aura été le facteur déclenchant du livre. Car cette date lui a laissé un goût amer. Daniel Cadet se la remémore comme une trahison de la part des politiques au pouvoir à l’époque, qui avaient ordonné au contingent de rester aux campements. « De Gaulle nous a trahis alors que l’Algérie était pacifiée », se souvient-il. « Il ne restait guère plus que 3 000 fellagahs ». « Les politiques auraient dû laisser le pouvoir à une élite algérienne plutôt que d’abandonner le pays au FLN », se désole Daniel Cadet. Une trahison pour ses compagnons d’armes et tous ceux qui ont perdu la vie là-bas. « C’est à la mémoire des disparus que je dédie le livre. Et aussi aux anciens combattants d’Algérie toujours en vie ».

Les débuts du livre

Il commence à partager ses écrits dans sa sphère proche puis sur Internet. Les retours positifs de ses lecteurs, l’encouragent à persévérer et à se lancer. Sur la couverture, Daniel Cadet pose un cabri dans les bras, juste à côté du cabri emblème du T6 auquel appartenait son escadron. Les T6 sont des avions américains, mis au rancard après la guerre 39-40 et que la France avait acheté aux États-Unis. Son livre il l’a pensé pour permettre aux lecteurs d’y accéder par les photos légendées ou les thèmes. Et ça marche : « J’ai rencontré un ancien d’Algérie, il a acheté le livre, l’a feuilleté puis est entré dans un chapitre et s’est laissé prendre par le récit et n’a refermé le livre qu’une fois terminé », s’amuse-t-il. Le pilote de l’escadron aujourd’hui âgé de quatre-vingt-quatre ans a aussi lu le récit. « J’en avais les larmes aux yeux », confiera avec émotion le vieux compagnon à l’auteur.

Une autre raison qui l’a motivé à transmettre son témoignage est le sentiment que les jeunes appelés à l’époque avaient peu d’informations sur les événements et ce qui se jouait. Souvent, à leur retour très peu ont parlé de ce qu’ils avaient vécu pendant leur mobilisation en Algérie. Il se défend cependant d’avoir écrit une autobiographie.

« J’ai eu envie de me servir de mon expérience sur le terrain comme fil rouge du livre pour embarquer le lecteur avec moi dans le T6, et lui faire partager le quotidien d’une escadrille au combat ». Pour ce livre il a réuni de nombreux témoignages, repris des extraits déjà écrits. Tout a été validé par les personnages cités.

La peur au ventre

Rappel du contexte. 1954, le gouvernement de l’époque décide d’envoyer le contingent en Algérie pour sécuriser les populations civiles et les Français pris pour cibles par les rebelles du Front de libération national (FLN). Tous les hommes âgés de vingt ans sont envoyés en Algérie. « On avait tous la trouille d’y aller », se rappelle-t-il. En 1958, c’est au tour de Daniel Cadet. Habitué aux déplacements dès le plus jeune âge, grâce à son grand-père paternel qui l’avait pris sous son aile, il a déjà pris le goût de barouder. Il veut se rendre utile et intègre l’école d’aviation militaire d’abord à Caen puis poursuit à Aix-les-Milles dans le Sud. Sorti de l’école, il choisira les Aurès alors qu’un de ses collègues corse choisira plutôt… Bône en bord de mer.

Observateur mitrailleur

Les missions dans les Aurès faisaient partie des plus risquées, le relief permettant aux rebelles de se cacher. Du haut de l’avion, Daniel Cadet avait pour mission d’observer ce qui se passait au  sol. L’objectif, repérer et neutraliser les implantations de rebelles, protéger les convois de ravitaillement des campements au sol. Les avions sortaient en binôme et disposaient de trois heures trente d’autonomie. Il arrivait que les pilotes atteignent presque le sol pour voir ce qu’il s’y passait. Une expérience qui l’amène à s’interroger avec perplexité. « J’ai du mal à comprendre les attaques en Syrie ».

Éviter les dommages collatéraux

« Notre volonté était de convaincre les rebelles de basculer dans notre camp, nous voulions à tout prix éviter les dégâts collatéraux ». « Un jour, se souvient-il. J’ai repéré un homme et une mûle circulant dans une zone interdite, deux possibilités, soit c’était un rebelle, soit une corvée de bois. J’ai opté pour la seconde », explique Daniel Cadet, certain d’avoir peut-être sauvé la vie d’un innocent. À la question êtes-vous retourné en Algérie ou comptez-vous y retourner un jour, il répond affirmatif : « je ne retournerai jamais dans un pays où on nous a mis dehors ».

La guerre d’Algérie, à vingt ans. Aux éditions Atelier Fol-fer, 147, rue du Bel Air 28260 La-Chaussée-d’Ivry. Tél. : 06 74 68 24 40 – atelier-folfer.com. Disponible sur commande en librairie ou à l’accueil de la FNSEA 76 à Bois-Guillaume.

Bio

Daniel Cadet est né en mai 1938 à Beuzeville (27), près de Deauville. Orphelin à  l’âge de deux ans de mère puis de père deux années plus tard, il sera élevé avec son frère Étienne par son grand-père, Armand Cadet, notaire à Beuzeville. À quinze ans, il étudie à l’école d’agriculture d’Yvetot. De 1958 à 1960, il fait l’Algérie et rencontre celle qui deviendra son épouse, Hélène Marchal, avec laquelle il aura quatre enfants. En 1963, il entre au cercle des jeunes agriculteur et s’occupe des cours par correspondance. En 1975, il rejoint l’Union syndicale pour plus de vingt-cinq années, durant lesquelles il deviendra le directeur de la fédé et du journal. V. S.

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