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BAPTISTE BARIL (76) ET MICHEL LETOURNEUR (27), présidents d'EDT Normandie
« Notre modèle économique est en souffrance »

L'assemblée générale d'EDT Normandie (Entrepreneurs des territoires) se tient demain à Rouen. Une profession qui partage de nombreuses problématiques avec ses clients agriculteurs. Le point avec ses deux coprésidents.

Augmentation des charges (Smic, matériel, assurance, consommables...), conditions climatiques ayant complexifié les chantiers, surréglemention (dates des tailles des haies), renouvellement des générations...

ETA (Entreprise de travaux agricoles) et agriculteurs sont dans le même bateau.

En ce début 2025, les ETA ont-elles le moral ?

« Clairement non ! En 2024, EDT Normandie a recensé trois procédures de redressement judiciaires, une cession nette au 31 décembre et une prochaine vente d'activité le 13 février prochain par Richies Bros. Parallèlement, une vingtaine d'entreprises de notre territoire est à la recherche d'un repreneur mais sans succès. Cette tendance est nationale et concerne également les ETF (Entreprise de travaux forestiers) ».

Quelles sont les causes de ce marasme économique ?

« Nous subissons un contrecoup inflationniste. Le matériel a augmenté de 31,9 % en 5 ans (source Axema). Le Smic a progressé de 18,44 % sur la même période (source Insee). Le GNR a connu une volatilité sans précédent frôlant les 2 euros en 2022. Les taux d'emprunts sont passés de 1 % à près de 5 %. Les autres postes de charges n'échappent pas à cette tendance : tarifs d'assurance, huiles, pièces d'usure, consommables (films et filets par exemple)... Notre modèle économique est en souffrance. »

Vous n'avez pas été non plus épargné par les conditions météorologiques ?

« À l'instar de nos clients agriculteurs, nous avons subi l'excès d'humidité. Les conditions de travail se sont détériorées avec pour conséquences une baisse horaire du rendement des chantiers et plus de casse. À cela, il faut ajouter des réglementations environnementales trop drastiques comme l'interdiction de travailler sur les haies et en forêt du 15 mars au 15 août pour préserver la biodiversité. Ça devient très compliqué dans ces conditions alors que nos clients sont de plus en plus exigeants en termes de réactivité et de qualité de travail. »

Dans ce contexte, faut-il s'attendre à une hausse tarifaire de vos prestations ?

« Elle est inéluctable et nous appelons toutes les ETA à faire preuve de responsabilité. Nous sommes avant tout des chefs d'entreprise mais parfois, peut-être par passion, certains d'entre nous ont oublié "l'économique". Il faut user l'encre du crayon pour faire ses comptes et prendre ainsi les bonnes décisions quand il est encore temps. Demain, ce sera trop tard. »

À combien estimez-vous cette augmentation ?

« Elle sera variable d'une situation à l'autre. Ceux qui ont déjà fait passer des hausses en 2023 et 2024 peuvent suivre l'inflation. Mais, dans certains cas et selon les chantiers, un + 10 % n'est pas délirant. »

Vous n'avez pas peur d'une remontée de gasoil de la part des agriculteurs ?

« Comme nous, ce sont des chefs d'entreprise. Nous ne vivons pas dans un monde de bisounours. Ils revendiquent à juste titre des hausses de prix de leurs produits agricoles et nous les soutenons dans cette approche. La réévaluation de nos tarifs en 2023 et 2024 n'a pas fait l'objet de polémique particulière. Nous espérons la même compréhension en 2025. »

Vous pourriez peut-être parallèlement un peu moins investir dans du gros et beau matériel ?

« Nous ne pouvons pas travailler avec de vieux coucous. Si nous investissons dans du matériel high-tech et de plus en plus puissant, c'est pour répondre à l'attente de nos clients : gros débit de chantier et sans panne, un travail de qualité et tout en précision, une réactivité quasi immédiate... Parallèlement au matériel, il y a l'investissement dans les hommes. Alors que nous avons, comme les agriculteurs, du mal à recruter du personnel qualifié, quand on en tient un, il faut le fidéliser. Cela passe par une revalorisation régulière du salaire et des conditions de travail qui n'ont plus rien à voir avec ce qui se pratiquait il y a 10 ou 20 ans. »

In fine, les agriculteurs sont-ils de bons payeurs ?

« Globalement, les délais de paiements se sont améliorés même si quelques récalcitrants perdurent ici ou là. Cependant, le message que nous souhaiterions passer aux agriculteurs, c'est que nous ne sommes pas des banquiers. Nous ne pouvons pas servir de variable d'ajustement à des problèmes de trésorerie au risque de mettre à mal notre propre pérennité. En cas de difficultés ponctuelles, nous sommes toujours à l'écoute pour trouver la solution la moins pénalisante possible. L'autre piste à privilégier dans le cadre d'une relation gagnant-gagnant, c'est la contractualisation. Nous devons progresser sur ce dossier. »

Pour conclure, vous voyez la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide ?

« À EDT Normandie, nous pensons que les ETA ne sont pas un problème mais bien au contraire une des solutions à l'agriculture de demain. Les charges de mécanisation représentent en moyenne 25 % des charges d'exploitation. En déléguant ses travaux, un agriculteur économise environ 15 000 euros/an sans faire le boulot et sans avoir de personnel à gérer. Donc on y croit à condition que l'on nous donne les moyens de vivre de notre métier pour entretenir un maillage de services de qualité et de proximité. Pour finir, nous avons également besoin de stabilité politique pour nous projeter. »•

Propos recueillis par Thierry Guillemot

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