Climat
Les irrigants face au défi du réchauffement climatique
L’eau n’a jamais aussi bien porté son surnom, “l’or bleu”. Après un été de sécheresse inédite, la protection de cette ressource est dans l’esprit de tous les agriculteurs irrigants. Quelles solutions s’offrent à eux ?
L’eau n’a jamais aussi bien porté son surnom, “l’or bleu”. Après un été de sécheresse inédite, la protection de cette ressource est dans l’esprit de tous les agriculteurs irrigants. Quelles solutions s’offrent à eux ?
Produire mieux avec moins. C’est ce à quoi le monde agricole aspire. Mais produire sans eau n’est tout simplement pas possible. La gestion de l’eau, cet “or bleu”, attise désormais les flammes, y compris en France. Ce 27 septembre, la mobilisation devant le tribunal administratif d’Orléans d’une trentaine d’élus syndicaux (FNSEA et Coopération agricole) du bassin versant de la Loire en est un exemple. Ils déposaient un recours contentieux en vue d’une révision du Schéma directeur de la gestion de l’eau (Sdage) Loire-Bretagne 2022-27.
Quelques jours plus tôt, la profession s’attaquait au Sdage du bassin Seine Normandie (voir n° 39 de l’Union agricole, page 18, en date du 29 septembre). Ces documents suscitent de nombreux points de contestation sur le fond et la forme. « La profession estime que le document crée des obligations non prévues par la réglementation française et européenne dans le domaine de l’eau, par exemple en matière d’utilisation de produits phytosanitaires, de compensation écologique ou de gestion de la fertilisation. Il vient ajouter des contraintes supplémentaires parfois applicables directement aux agriculteurs. »
Pour Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, la législation doit cependant aller dans le sens des irrigants. « Stocker de l’eau intelligemment est une priorité. La situation climatique que nous connaissons nécessite une gestion humaine du problème ». Pour elle, le stockage artificiel sera un levier majeur. « Sans cela, certains qui n’ont pas accès à l’eau vont se retrouver condamnés à faire des cultures non irriguées. Ça sera blé, blé, blé. Et la monoculture, on sait à quoi ça peut mener », scandait-elle dans le JDD en août dernier. De telles grandes réserves existent, comme à Rillé en Indre-et-Loire, et ne sont pas sans semer la discorde.
De leur côté, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à se former aux techniques de l’agriculture régénératrice pour protéger, entre autres, la ressource en eau.
Pour Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, qui intervenait lors de la conférence du CNIPT (interprofession des pommes de terre) en mai dernier, elle est une partie de la solution. « L’agriculture régénératrice assure à la fois l’objectif d’adaptation de l’agriculture et celui de l’atténuation des impacts négatifs de la production agricole, en régénérant l’eau, l’air, le sol et la biodiversité, a-t-il expliqué. On fait ça pour maintenir des conditions de production qui vont permettre aux agriculteurs de continuer à travailler. »
Génétique et innovations
Les scientifiques misent aussi sur la génétique. En Argentine, où 80 000 ha sont cultivés pour 2,8 Mt de pommes de terre, une équipe de l’Université de Buenos Aires et de Conicet a mis au point des plants de pommes de terre résistants à la sécheresse qui ont bluffé. « Les résultats obtenus en serre jettent les bases d’une augmentation des rendements dans des conditions de limitation des ressources, telles que la disponibilité de l’eau dans le sol », a déclaré Javier Botto, biologiste principal de l’étude. Selon le membre de l’Institut d’investigations physiologiques et écologiques de Buenos Aires (Ifeva), ce résultat a une grande importance sociale, car « l’une des conséquences du changement climatique mondial est l’intensification des sécheresses avec des augmentations de température et de rayonnement qui peuvent limiter la croissance et les rendements des plantes. »
Les idées innovantes de matériel d’irrigation moins consommateur d’eau fusent également. La micro-irrigation en goutte-à-goutte est désormais courante en maraîchage. Si elle est encore anecdotique en grandes cultures, certains producteurs font ce pari. C’est le cas de Jason Briffaut, dans la Sarthe (voir p. 11). Toujours dans un souci d’économie d’eau, les constructeurs développent de plus en plus les dispositifs de pilotage à distance des pivots et des rampes du matériel d’irrigation. Dans l’Oise, un robot d’irrigation autonome des pommes de terre a fait ses premiers pas au champ (voir p. 9). Il distribue l’eau à la bonne dose, au bon endroit, au bon moment.•