Olivier Tassel, président du GIEE Sol en Caux
« Le semoir à dents est plus adapté à l’agriculture de conservation des sols »
En agriculture de conservation des sols, le semoir revêt une importance toute particulière. Entretien avec Olivier Tassel, agriculteur à Bertheauville.
En agriculture de conservation des sols, le semoir revêt une importance toute particulière. Entretien avec Olivier Tassel, agriculteur à Bertheauville.
Aux débuts de l’agriculture de conservation des sols, la question des semoirs était prédominante dans votre réflexion. Pouvez-vous nous rappeler pourquoi ?
« Il y a dix ans, nous ne disposions pas de matériel de semis bien adapté au semis sous couvert. Nous avons donc commencé par des semoirs brésiliens et argentins et des marques comme Semeato, Bertini, et quelques Sulky aussi. Mais ces semoirs à disques sont adaptés à des environnements plus chauds, des environnements tropicaux. Alors nous sommes rapidement passés aux semoirs à dents. »
Pourquoi ?
« Parce que le semoir à dents aère un peu plus le sol quand on sème. Car chez nous, le problème, c’est que dès qu’il pleut, les sols se referment. Le fait de passer une dent laisse un peu plus d’air. C’est la même raison qui a fait que le semis direct pur a presque disparu. Dans le groupe, ça ne se fait presque plus et, souvent, il y a un léger travail du sol pour aérer un peu les horizons de surface. »
Qu’est-ce qui fait un bon semoir à dents pour l’agriculture de conservation des sols ?
« Il y a des outils très simplifiés avec des rampes fixes. Cela fonctionne très bien sur des sols très bien nivelés. Mais dans nos systèmes, c’est quand même très compliqué d’avoir quelque chose de parfaitement plat. Alors ce qui est particulièrement apprécié, c’est d’avoir sur les semoirs des contrôles de profondeur sur chaque élément. On trouve cela chez plusieurs constructeurs comme Horsch ou Väderstad, et d’autres encore…
Et puis il y a la question de l’engrais starter. Comme on travaille peu le sol, il y a peu de minéralisation. Et il faut que l’on puisse compenser cela. La plupart des constructeurs proposent désormais cette option d’avoir une deuxième trémie à engrais. C’est important. »
Vous évoquiez tout à l’heure les constructeurs sud-américains… Les constructeurs européens ont tardé à venir à des outils spécifiques à cette technique ?
« Un peu, mais cela évolue dans le temps. Une marque comme Väderstad avait complètement arrêté les semoirs à dents, mais elle y est revenue. Et il y a plusieurs constructeurs qui ne sont pas des grandes marques classiques, qui se sont lancés sur des semoirs spécifiques à l’agriculture de conservation des sols et qui sont reconnus aujourd’hui. On peut citer Guilbart, dans la Somme, Techmagri dans l’Aube ou Senez dans l’Aisne. »
Et le semoir à disques alors ? Son sort est scellé ?
« C’est difficile à dire. Les variations climatiques sont désormais très franches, avec des années très humides et d’autres très sèches. On ne sait pas toujours comment faire. Je vous le disais, la dent est bien adaptée en conditions humides. Mais les années très sèches, un semoir à disques a sans doute aussi son intérêt pour conserver l’humidité du sol. L’idéal, c’est d’avoir les deux systèmes à sa disposition, mais ce n’est pas facile. Néanmoins, il y a quelques constructeurs qui font désormais des semoirs avec un disque ouvreur et une dent semeuse. Cela permet de faire un semis plus direct qu’une dent pure. »
Certains crieraient à l’hérésie, non ? Un disque ouvreur sur un semoir à dents…
« On pourrait penser que ça n’a rien à faire sur un semoir à dents. Mais pour avoir utilisé un semoir à dents depuis quelques années, il faut vraiment faucher très bas la paille. Ce sont des semoirs qui sont plus adaptés à des conditions nord-américaines avec des blés plus clairs que chez nous. Alors quand il y a plus de paille, ou un couvert devant, le disque ouvreur pourrait être utile. »
Il n’y a donc pas de système parfait ?
« Sans doute. Mais la campagne a bien changé aussi. Les objectifs des couverts changent. On ne voit plus grand monde faire de la moutarde sur un mois. Maintenant, l’objectif du couvert est qu’il fasse au moins six tonnes de matière sèche. Cela change forcément la mécanisation. Et puis on parle du semoir, mais cela dépend aussi de la façon dont on détruit le couvert… Tout ceci évolue. On n’est jamais arrivé. »
Propos recueillis par Benoit Delabre, Aletheia Press