Aller au contenu principal

Le retour du pastel des teinturiers dans les champs

La société Blue & Pastel relance la culture de l'or bleu en partenariat avec des agriculteurs eurois.

Le pastel des teinturiers (Isatis tinctoria), plante tinctoriale herbacée originaire d'Asie et d'Europe du Sud-Est, est apparu en Picardie. Il a fait la fortune de la ville d'Amiens entre le XIIe et le XVe siècle avant de disparaître lors de la guerre de Cent Ans et de se réfugier en Occitanie, "le pays de Cocagne", puis d'être détrôné par l'indigotier. Tirée des feuilles de la guède, la poudre bleue réapparaît dans le Nord-Ouest sous l'impulsion d'Aurore Cottrel, agricultrice à Salouël (80) et fondatrice de la société Blue & Pastel à Bernay (27), "pour développer une filière et industrialiser l'extraction de l'or bleu".

Une culture plus rentable

Aurore Cottrel a un parcours atypique : employée dans le social et le handicap, mais aussi épouse-collaboratrice avec son mari Vincent sur une ferme de 130 hectares à Salouël (près d'Amiens), "où nous produisions des cultures à faible valeur ajoutée comme le blé, l'orge et la betterave. Avec des terres crayeuses, séchantes donc peu fertiles, nous ne pouvions pas faire pousser, par exemple, des pommes de terre ou du lin. Nous avions aussi un troupeau d'une centaine de têtes de bovins. En recherche de diversification pour améliorer la rentabilité de la ferme, un ami de mon époux, qui cherchait pour les 800 ans de la cathédrale d'Amiens à fabriquer des savons bleus, lui a demandé de planter un champ d'Isatis tinctoria".

L'aventure a débuté ainsi en 2019 pour une fête, mais s'est poursuivie par un drame. Trois mois après les semis, en partenariat avec la Capa du Gers, une coopérative agricole, son compagnon est décédé. La Picarde a malgré tout décidé, avec ses deux enfants, de conserver la ferme et "de partir d'une page blanche pour la culture du pastel des teinturiers, car elle a un vrai intérêt pour les agriculteurs. C'est une plante mellifère qui entre dans les rotations, repose la terre, ne nécessite pas d'intrants, ni de pesticides. Solide, elle demande simplement un désherbage. En plus, comme le lin, on peut l'utiliser de la racine à la fleur. C'est une culture rentable".

À la recherche d'agriculteurs 

Rapidement, l'agricultrice s'est rapprochée du spécialiste de la teinture naturelle Michel Garcia, "qui est venu me former chez moi. J'ai ensuite poursuivi mon petit bonhomme de chemin pour la culture, mais aussi pour l'extraction du pigment : 300 grammes au départ pour le savonnier. Au fur et à mesure, des liens se sont tissés dans ce milieu et, grâce à l'association La Cagnotte des champs qui aide les projets de femmes agricultrices, j'ai obtenu une bourse. C'est là, tout en conservant la ferme en Picardie sans l'élevage, que je suis arrivée à Bernay. En octobre 2020, j'ai aussi rencontré Fanny Rolet du laboratoire Antofénol qui m'a ouvert son carnet d'adresses et m'a présentée au pôle de compétitivité Végépolys Valley. J'ai alors décidé de monter une filière avec la volonté de ne pas faire cela de façon artisanale comme en Occitanie, mais d'industrialiser la chaîne de production. J'ai fondé Blue & Pastel en mars 2021".

Aujourd'hui, avec six salariés, l'entreprise a peaufiné sa méthode d'extraction et "nous avons remporté 13 prix. Il y a un vrai engouement pour notre forme de collaboration. Sur le modèle économique de la betterave sucrière, je veux faire profiter l'ensemble des exploitations agricoles. Elles cultivent et nous rachetons leur production que nous venons nous-mêmes récolter. Pour cela, nous sommes soutenus par Bpifrance, la Région Normandie et les coopératives NatUp et Agrial. En 2023, s'est greffé en plus un investisseur privé. À Amiens, nous produisons toujours nos graines et, autour de Bernay, des agriculteurs travaillent de manière expérimentale sur des parcelles. Nous avons de belles perspectives".

Un végétal d'avenir

Pour Aurore Cottrel, "c'est une plante zéro déchet, car avec les graines, nous obtenons aussi de l'huile après pressage et les écoproduits peuvent servir à la fabrication de panneaux. Nous visons alors les marchés du textile pour la teinture, de la cosmétique pour le soin de la peau et capillaire, de la peinture, des arts et de la décoration, de l'agroalimentaire, de l'encre, des compléments alimentaires, des antioxydants et anti-inflammatoires. Nous menons aussi des recherches dans de nouveaux domaines dont je ne peux pas parler. Pour cela, il me faut aussi trouver des investisseurs. À terme, nous aurons une ligne d'extraction totalement standardisée et automatique dont l'objectif est de remplacer la teinture synthétique et non de concurrencer l'extraction artisanale. Nous voulons aller vers les grosses entreprises grâce à une filière et non chacun pour soi. Dans un premier temps, il faudrait atteindre 250 hectares de cultures".•

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout l'Union agricole

Les plus lus

De g. à d. : Bruno Ledru, président de la FNSEA 76, Jérôme Malandain, président de JA 76, Romain Loiseau, président de JA 27, Amaury Levesque, président de la FNSEA 27.
Mobilisation réussie à Rouen... en attendant Bruxelles

Excédés par les annonces du président Macron sur le Mercosur et par la décision européenne de taxer les engrais importés, les…

Dès le 1er janvier 2026, le Macf va provoquer une explosion des coûts de production, déjà intenables des engrais.
Prix des engrais : la FNSEA lance un cri d'alerte

La FNSEA exige le report d'urgence de la nouvelle taxe européenne de Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (Macf) et…

25 % de la viande consommée a été importée.
Viande bovine : des échanges commerciaux à contre-courant

En France, les importations de viande bovine diminuent, les exportations augmentent alors que la production décline toujours.…

Pour la deuxième année consécutive, le constructeur a apporté des ajustements sur sa barre de coupe Varifeed.
Varifeed New Holland : gagner en simplicité et en efficacité

Le constructeur américain apporte de nouveaux ajustements sur sa barre de coupe Varifeed à tablier variable. Avec la volonté…

Journée lait du 13 novembre à Bois-Guillaume.
Le bien-être de l'éleveur, un enjeu-clé

Face aux défis croissants du renouvellement des générations, la section laitière de la FNSEA 76 organise, le jeudi 13 novembre…

NatUp et sa filiale Lunor lancent un nouveau produit à destination de la restauration collective et des GMS.
Pomme de terre : un nouvel outil industriel sur le territoire

Le nouvel atelier Lunor tourne maintenant depuis un mois. Quinze personnes recrutées avec la collaboration de France Travail y…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 300 €/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site L'Union agricole
Consultez le journal L'Union agricole au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters du journal L'Union agricole