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HERVÉ LAPIE, secrétaire général de la FNSEA
« Le 18 décembre est un coup de semonce »

À quelques jours de la grande manifestation qui rassemblera toutes les forces agricoles européennes, le secrétaire général de la FNSEA, Hervé Lapie, revient sur les enjeux agricoles actuels et futurs.

Quelles sont les raisons qui vous poussent à manifester le 18 décembre ?

« Ces raisons tiennent en peu de mots : redonner des perspectives et une vision au monde agricole français et européen. Nos dirigeants à Paris et Bruxelles doivent prendre conscience que le secteur agricole est éminemment stratégique. Nos compétiteurs - chinois, russes, américains - ont intégré l'agriculture dans leurs stratégies de défense, jusqu'à en faire un pivot essentiel. Pendant qu'ils réarment leur secteur agricole et agroalimentaire, la Commission européenne déconstruit et sape les fondations de la Pac sans laquelle l'Europe n'aurait pas vu le jour. Le délitement est tel que les distorsions de concurrence touchent les pays européens entre eux, au sein même de cette Union à 27. »

À propos de libre-échange, ne pensez-vous pas que les jeux sont déjà faits par rapport au Mercosur ? 

« Depuis 1999, nos réseaux JA-FNSEA combattent cet accord, comme bien d'autres ! Il est hors de question d'accepter d'importer des produits alimentaires et agricoles, produits chez nous, ne respectant pas nos normes sanitaires et environnementales. C'est une provocation et une injustice envers nos paysans. Nous refusons des accords qui sacrifient nos producteurs au profit d'importations à bas coût. C'est le Shein agricole ! Cela étant, ce commerce nécessite d'être régulé, c'est-à-dire d'avoir des règles claires, équilibrées et je dirai même réciproques. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. C'est ce que nous dénonçons à la FNSEA depuis déjà des années. Nous sommes d'ailleurs étonnés de voir le chef de l'État isolé sur cette question dans la mesure où ses prises de position vont à l'encontre de celles du Sénat et de l'Assemblée nationale, fermement opposés à l'accord. »

Si l'accord du Mercosur est validé, quelle va être l'attitude de la FNSEA ?

« La France, par la voix du chef de l'État, doit peser pour trouver la minorité de blocage et imposer que le Parlement européen s'exprime. Ursula von der Leyen œuvre pour passer son accord en s'affranchissant des parlements nationaux et européens. Pire, elle ne souhaite pas que la Cour de justice de l'Union européenne s'exprime alors qu'elle est saisie ! À l'heure, où l'on parle de bilan carbone, de climat, etc., nous allons détruire des productions locales au profit d'importations situées à des milliers de km. Franchement, cela n'a pas de sens ! Si l'Europe doit exporter ses voitures, aéronautiques, services... ok, mais pas en sacrifiant ses paysans. On veut nous vendre des clauses de sauvegardes qui ne sont en rien des clauses de réciprocité des normes ! Je ne veux pas préjuger de l'avenir et nous continuons le combat qui est légitime et compris par les consommateurs. »

Le 18 décembre vous allez aussi manifester contre la réforme de la Pac. Quelles sont les propositions de la FNSEA pour cette réforme ?

« Les propositions de la Commission sur la future Pac sont très loin de répondre à nos attentes, car elles ne portent aucune ambition. La Pac est diluée dans un fonds unique qui n'a plus rien de commun. C'est d'ailleurs une aberration. Notre souhait est simple : revenir aux fondamentaux de la Pac dans tout ce qu'elle a de commun avec une règle très simple : À marché unique, règles uniques. Elle doit aussi recréer du lien entre l'agriculteur et le consommateur. Ce budget, qui est programmé avec une baisse de 20 %, doit être réécrit en maintenant au minimum le budget précédent augmenté de toute l'inflation que nous avons perdue au passage depuis des décennies. Imaginez-vous un salarié qui gagnait 1 800 euros en 2005 et qui gagnerait la même somme aujourd'hui. Or depuis 20 ans, le coût de la vie a augmenté de 40 %. Il faut que la Commission retrouve une ambition autour de la production. Rien qu'en France nous avons perdu depuis 20 ans : 28 % de production ovine et bovine, 13 % de notre production de volailles, 9 % en porc, 12 % en fruits, 4 % en légumes... le tout compensé par des importations de l'ordre de + 81 % pour les viandes, + 30 % pour les fruits et légumes. Pour la première fois depuis 1978, la balance commerciale agroalimentaire française va passer dans le rouge. Que faut-il de plus pour réagir ? La future Pac devra être construite autour du revenu, de la production, du renouvellement des générations et incarner ce socle quasi identitaire d'une Europe économiquement forte. »

N'avez-vous pas l'impression que les pouvoirs publics français et européens s'acharnent sur le secteur agricole : directive IED, Macf, interdiction des molécules, etc. ?

« Nous faisons face à des politiques trop souvent dénués de bon sens et coupés des réalités. Les agriculteurs attendent des projets, de la recherche, de l'innovation, pas des taxes et des interdictions sans solutions. Les moyens de productions sont nécessaires sur nos fermes, engrais, produits de santé végétales et animales, génétique. (...) Ces politiques devraient mesurer l'impact des décisions qu'ils prennent car elles pèsent sur les comptes d'exploitations, sur les revenus, les investissements... Cet effet papillon est une réalité dans nos fermes dont le modèle est à des années-lumière des holdings ukrainiennes. Derrière ce modèle à taille humaine, des hommes et des femmes font vivre nos territoires. Ils ne demandent qu'à être respectés. C'est pourquoi, il faut leur donner une vision, un avenir, une ambition et des revenus pour que ce modèle perdure, en s'appuyant sur la recherche pour continuer à concilier la production et la protection de notre environnement. »

La pression syndicale agricole s'est accentuée ces derniers mois, notamment avec la loi Duplomb, le Mercosur... L'année 2026 s'annonce-t-elle aussi chargée ?

« Le 18 décembre est un coup de semonce. Il est nécessaire de trouver des solutions conjoncturelles à toutes les filières qui se trouvent en crise. Nous nous retrouverons donc à Bruxelles pour porter la voix de l'agriculture française et européenne. L'Union européenne et la France participent au déclin de son agriculture. Les exemples emblématiques sont nos combats contre la jachère et des réglementations inadaptées (...). Pour enrayer la débâcle, dont notre balance commerciale illustre parfaitement la situation, il faut un électrochoc politique. Produire pour nourrir est l'acte le plus noble, le plus stratégique. (...) L'Europe se met en danger en déléguant notre alimentation à autrui. L'Europe et la France doivent retrouver le chemin de la raison, de la performance (...) Le combat est âpre, difficile, mais nous le menons sans faillir, en responsabilité, en respectant les biens et les personnes parce que nous croyons dans ceux qui s'engagent, qui ont le goût d'entreprendre pour des territoires vivants et dynamiques. »•

Propos recueillis par Christophe Soulard

Tous à Bruxelles le 18 décembre !

Le réseau JA-FNSEA, avec nos organisations européennes Copa-Cogeca et CEJA, appelle à une mobilisation syndicale européenne massive le 18 décembre à Bruxelles.

Face aux menaces qui pèsent sur notre avenir et nos fermes déjà trop fragilisées, soyons des milliers pour défendre l'agriculture, nos exploitations et notre souveraineté alimentaire !

Nos trois combats :

  • Pac : Refuser la baisse du budget agricole et lutter pour une Pac ambitieuse porteuse d'avenir pour l'agriculture et les agriculteurs en France et partout en Europe.

  • Mercosur : Non aux distorsions de concurrence - pas d'accords qui sacrifient nos producteurs au profit d'importations à bas coût.

  • Engrais/Macf : Stop à la nouvelle taxe carbone aux frontières - Ce mécanisme pénalise nos exploitations et aggrave la flambée des coûts des intrants.

 La FNSEA 76 et JA 76 mobiliseront un car au départ du Havre (Saint-Romain-de-Colbosc), qui fera des arrêts à Fauville-en-Caux et au Pucheuil à Saint-Saëns. Le départ se fera vers 5 h à la pointe Havre pour un retour prévu dans la nuit.

Nous vous donnerons plus de détail prochainement mais vous pouvez déjà vous inscrire en appelant la FNSEA 76 (02 35 59 45 00), ou en envoyant un mail (sophie.gibert@fnsea76.fr) en indiquant le nombre de personnes et le lieu de départ souhaité.

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