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L'Assemblée nationale valide le retour controversé des néonicotinoïdes.

Les députés ont donné le 6 octobre leur feu vert à la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes pour soutenir la filière betteraves, malgré une contestation record dans la majorité.

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© V. Marmuse CAIA

L'Assemblée nationale a adopté le « projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières », lors d'un vote solennel par 313 voix pour, 158 contre et 56 abstentions. Un scrutin marqué par une contestation record dans la majorité. Seuls 175 des 271 membres du groupe macroniste ont dit oui au texte : 32 députés LREM ont voté contre et 36 se sont abstenus. L'ensemble de la gauche s’est exprimé contre, une majorité des LR et MoDem pour, mais la plupart des groupes se sont partagés.

Afin de lutter contre la jaunisse de la betterave, le projet de loi rouvre la possibilité de dérogation pour l’emploi de néonicotinoïdes jusqu'en 2023. Il prévoit des garde-fous, comme la création d'un conseil de surveillance et l'interdiction, sur des parcelles où ont été utilisés ces insecticides, d'implanter des cultures mellifères. Dénoncé comme « un renoncement » ou une faute par la gauche et les écologistes, le retour des néonicotinoïdes est la seule « alternative », selon Julien Denormandie. Le projet de loi doit désormais être examiné au Sénat en première lecture.

Ne « pas opposer économie et écologie »

« C'est un texte difficile, important, qui ne veut pas opposer économie et écologie », avait affirmé en séance publique le ministre de l’Agriculture. « La question est celle de notre souveraineté. » En raison de la prolifération d'un puceron, les betteraves souffrent de jaunisse. La réintroduction des néonicotinoïdes vise à préserver les rendements. Problème, ces phytos ont été bannis il y a deux ans dans le cadre de la loi biodiversité de 2016. Voilà donc le gouvernement qui rétropédale, en s'appuyant sur le règlement européen qui permet de déroger à l'interdiction.

De LFI au RN, « on est tous contre » ces insecticides réputés tueurs d'abeilles, selon Julien Denormandie. Mais la jaunisse menace la pérennité de la filière, qui emploie 46 000 personnes, estime la profession. Pour le gouvernement, « tuer une filière française pour importer des sucres polonais, allemands ou belges », n'est pas une option. « On est bien embêté avec votre texte », avait relevé Thierry Benoit (UDI), lors de l’examen du texte le 5 octobre : « La France n'a pas la maturité d'organiser la transition écologique (...) J'aimerais que Mme Pompili qui nous a vendu l'idée (de l'interdiction des néonicotinoïdes) il y a quatre ans soit au banc de l'Assemblée aujourd'hui ».

Un feu vert sous conditions

Ce texte est « une réponse pragmatique à la situation catastrophique dans laquelle se trouve la filière de la betterave française », a défendu Jean-Baptiste Moreau (LREM) lors de son explication de vote. Et de souligner l’encadrement des dérogations, limitées notamment au seul enrobage des semences pour trois ans au maximum. Aussi des « garanties face à la rémanence » des néonicotinoïdes : l’interdiction temporaire de plantes mellifères après la culture de betterave. Julien Dive (LR) a estimé que le projet de loi n’est « pas un blanc-seing mais une dernière chance pour la filière ». Face à ce « renoncement », l’opposition a pilonné la majorité, LFI promettant même une plainte devant la Cour de justice de la République « pour mise en danger de la vie d'autrui », selon Mathilde Panot.

« Cette loi est un empoisonnement volontaire », a-t-elle lancé. Delphine Batho (EDS) a fustigé un « vote qui tourne le dos à des années de travail, à des années de combat avec les apiculteurs (...) qui se sont mobilisés pour interdire les néonicotinoïdes » et un « impact monstrueux de ces poisons ». Elle a réfuté le « spectre d’une pénurie de sucre », vu la situation « largement exportatrice » de la France. « La vraie pénurie qui menace notre souveraineté et notre sécurité alimentaire est celle d’une pénurie de pollinisateurs. » Dominique Potier (Socialistes) a lui défendu un plan « B comme betterave », autour notamment d’une indemnisation de 100 % des pertes dans la filière.

Nombreuses réactions

Les réactions à ce vote ont été aussitôt nombreuses. La CGB (planteurs) salue le « courage » et l'« ambition » du gouvernement. « Alors que la récolte débute et que les rendements sont encore plus catastrophiques qu’attendus dans les régions touchées, c’est un signal positif adressé aux betteraviers, de nature à les inciter à maintenir leurs surfaces », selon le président Franck Sander, cité dans un communiqué.

Une « décision responsable », également applaudie par le groupe sucrier Cristal Union. A l'inverse, Greenpeace a fustigé une « régression écologique majeure ». Une « insulte » à « la protection du vivant », s'alarme l'association nationale de l'apiculture française. Générations futures annonce qu’elle « agira sur le plan juridique pour faire annuler cette décision inacceptable ».

Projet de loi Néonicotinoïdes : le conseil de surveillance renforcé

Les députés ont adopté, dans la nuit du 5 au 6 octobre en séance publique, l'ensemble des articles du projet de loi permettant la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes, dont plusieurs amendements renforcent le conseil de surveillance pour encadrer les dérogations. Les arrêtés de dérogation seront conjoints, outre des ministres de l’Agriculture et de l’Environnement, aussi de la Santé, d’après un amendement qui a reçu un avis défavorable du rapporteur Grégory Besson-Moreau (LREM) et de sagesse de Julien Denormandie. Ils seront soumis à l’avis du conseil de surveillance, selon un amendement du rapporteur. Dans ce conseil de surveillance, l’Opecst (office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) et l’Itsap (institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation) seront représentés, ont voulu les députés. Une composition renforcée, qui incluait déjà huit parlementaires et notamment des représentants du Cese (Conseil économique, social et environnemental), de l’ITB (Institut technique de la betterave), d’associations et syndicats.

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