Collectifs d'agricultrices, l'éternelle quête de légitimité
Les Chambres d'agriculture de Normandie ont organisé une rencontre inédite, jeudi 2 octobre, au Verger de Roncheville à Bavent (Calvados). Une journée 100 % femmes pour coconstruire l'agriculture de demain au féminin. Au programme : des témoignages, des échanges, des ateliers, etc.
Les Chambres d'agriculture de Normandie ont organisé une rencontre inédite, jeudi 2 octobre, au Verger de Roncheville à Bavent (Calvados). Une journée 100 % femmes pour coconstruire l'agriculture de demain au féminin. Au programme : des témoignages, des échanges, des ateliers, etc.
"Il est où le patron ?" Nombre d'agricultrices ont déjà entendu cette question dans la cour de leur ferme, à leur grand désespoir. Un constat partagé par toutes les participantes, exclusivement des femmes, à l'occasion de la journée "Des Racines et des Elles". Organisée jeudi 2 octobre par les Chambres d'agriculture de Normandie (Can), la rencontre a réuni, au Verger de Roncheville à Bavent, 70 agricultrices pour échanger autour de la place de la femme en agriculture.
Casser les codes
Les femmes représentent 29 % des actifs permanents agricoles et totalisent un quart des chefs d'exploitation (d'après Agreste Grap'Agri 2023, données 2020). "Au sein des Chambres d'agriculture de Normandie, nous comptons 30 % de femmes élues. Nous sommes plutôt bons élèves avec trois femmes par commission. Côtés salariés, c'est beaucoup plus avec 70 % de femmes", agrémente Astrid Granger, agricultrice à Vaubadon et vice-présidente de la Chambre d'agriculture du Calvados. Malgré tout, se faire sa place dans le secteur n'est pas toujours chose aisée. "C'est souvent violent et on est parfois désemparée. Ça m'est déjà arrivé avec un constructeur qui venait faire une démonstration de machine. Il voulait s'adresser à monsieur. Sauf que c'est madame qui fait le chèque à la fin", s'exclame Laure Figeureu, agricultrice installée dans l'Eure et présidente des Usines coopératives de déshydratation du Vexin (Saussay-la-Campagne). Son mari s'occupe de l'atelier laitier, tandis qu'elle opère sur la partie cultures et la technicité.
Savoir s'entourer
Pour Laure Figeureu, "il faut savoir s'appuyer sur les gens qui sont là (sa famille, les partenaires de longue date, ses salariés, etc.)." "Il faut déléguer pour préserver sa vie familiale et diversifier les activités", ajoute Aurélie Demairé, invitée du jour, gérante d'Adtech Normandie (Soliers), pour un parallèle avec l'entrepreneuriat hors agricole. Toutes les deux ont également évoqué l'importance de la mixité : "Il faut savoir trouver la balance et construire des équipes équilibrées. L'attractivité, c'est tout un sujet aussi. Il faut faire évoluer les techniques managériales et laisser sa chance à tout le monde", remarque Laure Figeureu.
Les groupes bousculent
Chloé Lebrun et Alexis Annes sont sociologues à l'école d'ingénieurs de Purpan à Toulouse (31). Ils travaillent sur les questions de genre en agriculture et plus particulièrement sur la non-mixité choisie. "Dès les années soixante, des groupes se sont formés pour permettre aux femmes de s'insérer dans les modèles agricoles", resitue-t-il.
Désormais, on compte sept collectifs de femmes agricultrices en Normandie pilotés par les Chambres - les Agrinanas de la Baie, l'entrepreneuriat au féminin (50), le Groupement féminin de développement agricole et rural (GFDAR, 76) et le GDFA (27), les Agricultur'elles (14, 76), les Natur'elles (61), ainsi que le collectif féminin de Briouze (61). Et c'est sans compter les sections agricultrices des FDSEA et autres.
"L'ADN de cette profession, c'est d'avoir toujours su s'organiser", note Marie-Christine Fort Legrand (Can).
Toutes se retrouvent pour "gagner en compétences, s'affirmer en tant que professionnelles, avoir des espaces de conscientisation et de contestation. [...] C'est une mise en réseau et un espace d'intégration sur le territoire, surtout dans certaines filières", observe la chercheuse. "Grâce aux collectifs, on prend de l'assurance, on se forme, on relativise. Nous sommes moins vulnérables", confie Élisabeth Leforestier, présidente du GFDAR.•