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Le projet Red 2 menace les filières des biocarburants

La France risque de perdre des milliers d'hectares de colza.

Le projet de directive de la Commission européenne sur les énergies renouvelables, dite Red 2, qui prévoit une réduction drastique des objectifs d'incorporation de biocarburants de première génération, ferait fondre les filières françaises de biocarburants. La sole française de grandes cultures perdrait des centaines de milliers d'hectares, selon une simulation du Bipe, cabinet de conseil en stratégie, présentée le 4 octobre aux 6e rencontres du bioéthanol.
Le projet Red 2 de la Commission, visant à abaisser du taux d'incorporation de biocarburants issus de cultures alimentaires de 7 % à 3,8 % dans les moteurs, réduirait la production de biodiesel de 75 % à l'horizon 2030, selon le Bipe. En effet, dans le marché rétréci des biocarburants de première génération qui résulterait de ce taux ramené à 3,8 %, la concurrence s'exacerberait entre l'huile de colza et celle de palme pour la production du biodiesel, a indiqué Marie-Laetitia des Robert, du Bipe.

Le colza risque d'être évincé du marché
Or, l'huile de palme, produite massivement à bas prix en Malaisie et Indonésie, ne tarderait pas à évincer le colza. D'après la simulation du Bipe, la production de biodiesel par les filières françaises s'effondrerait de 75 %, celle de l'éthanol de 55 %, les grandes cultures régresseraient de 900 000 hectares et les emplois de salariés dans les biocarburants de 2 400 équivalents-temps-plein. Il en résulterait aussi une chute de la production française de tourteaux de colza (-56 %), donc une aggravation de l'autonomie de la France en protéines pour ses élevages. Au total, la valeur ajoutée du secteur des biocarburants serait amputée d'1,9 Md EUR. Marie-Laetitia des Robert a rappelé aussi que le marché des biocarburants se situe dans un marché, celui des carburants, qui est lui-même promis à la contraction. Cela du fait des politiques publiques environnementales et des progrès techniques du véhicule électrique, et à celui, sans doute lointain - au-delà de 2040 - du moteur à hydrogène. Cette incidence de la contraction du marché des carburants a été prise en compte dans la simulation. Du coup, le Bipe a simulé un scénario optimiste comportant un objectif plus ambitieux d'énergies renouvelables dans les transports (15 %) et une sortie des distillats d'huile de palme (les PFAD Palm fatty acid distillates) du périmètre des matières premières alimentaires. La production de protéines en France augmenterait de 2 % et les surfaces de grandes cultures 100 000 hectares, selon la simulation.

Attente d'un compromis
Lors d'une première table ronde qui a eu lieu aux 6e rencontres du bioéthanol, Jean-Philippe Puig, directeur général du groupe Avril, a indiqué qu'il attend un nouveau compromis au niveau européen, pour que le projet Red 2 ne passe pas dans les termes proposés par la Commission.
« Nous voulons annuler l'incorporation d'huile de palme », car c'est elle qui risque de ruiner la filière française du biodiesel, « fondée historiquement sur le colza », et l'approvisionnement protéique via le tourteau de colza. Emmanuel Desplechin, secrétaire général d'ePure, le European Renewable Ethanol (la filière de l'éthanol à l'échelon européen), a rappelé que « c'est à cause du débat international sur le changement d'affectation des sols (Cas) que l'UE propose d'abaisser le taux d'incorporation de 7 % à 3,8 % ». La Commission « n'a pas eu le courage politique » de nommer les vrais responsables du Cas : le soja et l'huile de palme en régions de forêts tropicales, qui entraînent plus ou moins directement la déforestation. Le bruit circule dans les milieux professionnels et parlementaires que la Commission, redoutant la perte des marchés malaisien et indonésien d'Airbus, s'abstient de cibler ces pays dans le débat du Cas.

Interview de Sébastien windsor,
vice-président du bureau de la FOP
et président de Terres Inovia

« D'un côté le gouvernement nous dit qu'il faut des protéines locales et de l'autre, il laisse entrer du biodiesel avec le risque de détruire cette filière »

Pourquoi les agriculteurs de Seine-Maritime sont-ils particulièrement concernés par l'avenir des biocarburants ?
Le colza représente en Seine-Maritime une superficie de 23 000 hectares. L'impact d'une diminution de 15 à 30  % de la surface serait donc important pour les agriculteurs mais aussi pour toute la filière. Nous produisons à proximité de l'usine de Grand-Couronne et d'un bassin de consommation représenté par les éleveurs de Normandie. Le colza est une culture de cycle long qui permet de couvrir le sol dès septembre, avec un intérêt environnemental, dans des secteurs où on ne produit ni betteraves ni lin et où il a toute sa place dans la rotation.

Cela concerne-t-il également les éleveurs ?
Oui, car les producteurs de Seine-Maritime vendent leur colza à Saipol qui nourrit ensuite les bovins, porcs et volailles à proximité. Cette production locale évite d'importer davantage de soja argentin et répond à une demande des consommateurs d'avoir des filières tracées non OGM. D'un côté, le gouvernement nous dit qu'il faut des protéines locales et de l'autre, il laisse entrer du biodiesel avec le risque de détruire cette filière.

Quelle a été votre réaction en apprenant la venue de ces bateaux contenant du biodiesel argentin en Europe ?
En 2016, ça a été difficile mais nous avons réussi à sortir une marge rémunératrice, grâce à la présence de l'usine de Grand Couronne. Deux-tiers de nos productions d'huile passent en ester méthylique de colza, donc le fait d'importer ce biodiesel vient en substitution de ce débouché. Le risque est que cela impacte le prix de la graine et s'ensuivrait alors un manque d'intérêt à continuer de produire du colza, avec une baisse de la production de tourteaux pour les animaux et le risque d'une hausse à court terme du prix du soja.
Propos recueillis par l'Union agricole

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