Spécial Lin : Sélection variétale : toujours répondre aux besoins des professionnels tout en tenant compte du changement climatique.
Découvrez l'interview de Jean-Paul Trouvé, sélectionneur chez Terre de Lin.

Pouvez-vous nous expliquer le mode de sélection variétale du lin ?
Le lin est une espèce végétale sélectionnée par l’homme depuis très longtemps. C’est une plante qui s’autoféconde. Donc le travail du sélectionneur est de faire des croisements de manière manuelle avec deux parents porteurs d’intérêt et de trier les plantes dont les caractères sont recherchés. C’est de la sélection généalogique. Je dirais que le travail le plus complexe est de connaître les géniteurs potentiels et de mettre en place des essais performants pour sortir les lignées qui ont cumulé le maximum d’intérêts pour la filière. Quand on trouve la bonne plante on la multiplie pour la fournir aux producteurs.
Combien de temps faut-il pour trouver une variété ?
Il faut environ 10 ans pour sortir une variété. Nous faisons les croisements et implantons la première génération en serre. Ensuite, cela se passe dans les champs. Pour avoir plus de cycles par an, une partie du matériel génétique est implantée en Nouvelle Zélande. Nous semons 100 000 candidates chaque année.
Environ tous les 10 ans, il y a un saut génétique, avec des variétés qui apportent quelque chose de vraiment nouveau. Citons Ariane, Hermès, Aramis, Bolchoï, Elixir. Et puis, chaque année, nous déposons des variétés qui apportent un petit plus. Evidemment mon travail est d’aller vers de gros plus. Actuellement nous avons trois variétés en cours d’inscription et une ou deux variétés sont prêtes à être déposées en fonction des résultats de l’année.
Quelles sont les attentes variétales de la filière ?
Les utilisateurs, agriculteurs et filateurs, ont besoin de variétés de lin textile qui offrent rendement, précocité, qualité de fibre et rusticité. Concernant le rendement, les potentiels actuels sont satisfaisants. La tolérance aux maladies et à la verse sont des axes forts aujourd’hui. Nous avons beaucoup poussé sur la tolérance aux maladies.
Concernant l’oïdium, ce n’est jamais terminé car les champignons aériens responsables de cette maladie ont une forte variabilité. Il existe des contournements de résistance et nous avons besoin en permanence de nous adapter. Toutefois bolchoï reste la meilleure variété tolérante à ce jour. La tolérance à la fusariose reste aussi un sujet prioritaire.
Il y a également une demande importante des professionnels pour avoir des variétés tolérantes à la septoriose et à la verticilliose mais pour le moment notre travail de sélection n’a pas abouti.
Nous travaillons également autour de la tolérance hiver sur le lin d’hiver ainsi que sur la richesse et la composition de l’huile dans les lins oléagineux.
Quels sont vos axes de sélection pour les variétés de demain ?
Il y a des attentes exprimées en fonction des circonstances de l’année : si l’été a été très sec, les professionnels veulent des variétés longues et tardives. Après des années de verse, ils réclament des variétés courtes. C’est pourquoi le sélectionneur doit répondre en proposant une large gamme.
En ce moment nous parlons beaucoup du changement climatique et je pense que le lin d’hiver peut être une réponse possible aux étés trop chaotiques. Avec ses cinq semaines d’avance sur le lin de printemps, le rouissage du lin d’hiver pourrait se faire dans des conditions plus favorables.
A ce jour, il se comporte déjà bien dans les sols difficiles et séchants du Calvados et de l’Eure. Dans les sols à haut potentiel, il est moins bien mais dans 20 ans nous aurons fait des progrès. Nous avons déjà des variétés qui produisent beaucoup de paille, 10 à 12 tonnes/ha, et qui se comportent bien à la verse. Et nous travaillons sur leur richesse. Le lin d’hiver est un axe de recherche important pour la filière.