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Miscanthus : l’implanter en bio, c’est possible

Conduire et valoriser son miscanthus en agriculture biologique, c’est le thème qui a été mis en avant à l’occasion d’une porte ouverte Innov’action le 2 février dernier chez Jean-Jacques Pinguet, agriculteur en AB depuis 2010 sur la commune de Conteville en Seine-Maritime.

Exploitant en agriculture biologique depuis 2010, Jean-Jacques Pinguet a décidé d’implanter une première parcelle de miscanthus de 2,5 ha en 2012. Un pari risqué puisque le miscanthus est très sensible à la concurrence des adventices les premiers mois suivant l’implantation. Mais cela n’a pas freiné Jean-Jacques Pinguet qui a conçu une adaptation sur un ancien vibroculteur, en y soudant des couteaux d’une ancienne mélangeuse afin de créer un système d’aileron. Cet outil maison lui a permis de biner son miscanthus en trois passages.
En 2015, il implante une nouvelle parcelle de 3 ha.

Une implantation délicate et coûteuse mais durable

Le miscanthus se plante entre fin avril et début juin après plusieurs faux-semis, un labour et un à deux passages de herse rotative, dans un sol bien ressuyé et propre. On recherche une densité de 18 000 à 20 000 rhizomes/ha, dans un objectif de 15 000 plants/ha levés. Éviter les sols hydromorphes ou trop superficiels ; le miscanthus nécessite une profondeur de sol d’au moins 60 cm pour un bon développement. Il est planté à environ 8 cm de profondeur. De même, privilégier un précédent de culture annuelle car le miscanthus est très sensible aux attaques de taupins. Le coût de l’implantation avoisine les 3 200 euros/ha, comprenant les rhizomes et leur acheminement, ainsi que la plantation (tracteur + location de planteuse et main-d’œuvre associée).
Vient ensuite le désherbage car même si le rhizome comporte déjà les bourgeons au moment de la plantation, le rang commence à se former deux à trois mois après l’implantation. Il est donc recommandé de passer la herse étrille tous les dix à quinze jours selon les levées d’adventices et les conditions météo, au stade du fil blanc, lors des premières semaines suivant l’implantation.
Une fois le rang formé (deux à trois mois après la plantation), la bineuse prend le relais du désherbage avec plusieurs interventions au stade plantule des adventices à légèrement développées.
En fin de première année, le miscanthus est broyé laissant un mulch au sol qui assurera une couverture contre les levées d’adventices.
Ce n’est qu’à partir de la deuxième voire troisième année qu’il commence à être récolté avec des rendements qui augmentent progressivement et se stabilisent en cinquième année environ. Jean-Jacques Pinguet a commencé à récolter son miscanthus dès la troisième année d’implantation.

La récolte

Chez Jean-Jacques Pinguet, le miscanthus est récolté fin avril lorsqu’il a atteint au moins 85 % de matière sèche (MS), avec une ensileuse à grand bec. De plus, « il faut le récolter bien mâture pour éviter le risque d’échauffement, après la rosée et par temps sec », ajoute l’agriculteur. Le rendement avoisine 13 t brutes, soit 11 t de MS chez l’agriculteur. La culture atteint facilement une hauteur de 4 m. La taille des brins récoltés se situe idéalement entre 2 et 3 cm. Le miscanthus étant léger (110 à 130 kg/m3), il est important de prévoir un volume de stockage suffisant ; 1 ha occupe environ 30 m² sur 4 m de haut.

La valorisation en litière

Plusieurs débouchés sont possibles, notamment en litière. Cette valorisation présente un intérêt dans les systèmes biologiques très herbagers, totalement dépendants de l’achat de paille extérieure et en quête d’autonomie.
Étant en fin de carrière, Jean-Jacques Pinguet a récemment arrêté de traire. Avant, il paillait les logettes des vaches laitières avec du miscanthus. Aujourd’hui, quelques génisses sont encore présentes, ici sur une litière paille en sous couche plus du miscanthus
Il existe une multitude de gestion de litières avec le miscanthus. Parmi elles, la litière malaxée en aire paillée qui consiste à apporter une couche épaisse de 25-30 cm de miscanthus dans le bâtiment. Les brins de 2 à 3 cm sont éclatés de telle sorte que le corps spongieux joue pleinement son rôle d’absorption ; deux fois plus que celui de la paille.
La litière est ensuite aérée quotidiennement par le passage d’un tracteur avec un outil à dent ou animé. Les déjections fraîches se trouvent enfouies. L’opération a lieu généralement pendant la traite afin de laisser la litière sécher sans contact des animaux pendant au moins deux heures. Malgré un aspect qui devient rapidement noirâtre pour la litière, les éleveurs qui utilisent cette technique s’accordent à dire que les niveaux cellulaires et les mammites ne sont pas affectés et ont même plutôt tendance à diminuer. En fonction du chargement du bâtiment et de la saison, la litière est curée tous les trois à huit mois. La technique impose toutefois que le bâtiment soit bien aéré et mécanisable ; orienté sud-est avec au moins un pan de mur ouvert, des ouvertures en faîtage, voire deux pans de murs ouverts.
La litière malaxée offre ainsi un certain confort aux éleveurs qui consomment moins de paille et dont la charge de travail est améliorée :
- moins de travaux autour de la paille : pressage, transport, entrepôt, paillage ;
- moins de travaux autour de l’épandage de fumier : 1 m3 de litière miscanthus produite pour 8 m3 de litière paille, donc du transport et de l’épandage en moins.
Il n’est cependant pas possible de pratiquer cette technique dans les petits bâtiments non mécanisables ou les bâtiments veaux. Dans ce cas, les utilisateurs de miscanthus l’appliquent en une couche moins épaisse de 10-15 cm. Puis en fonction du chargement et du type d’animaux, ils rajoutent un peu de miscanthus dès lors que la litière s’humidifie ou bien ils curent plus fréquemment ; toutes les quatre à six semaines. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de vérifier la température de la litière et de curer dès que celle-ci atteint 30 °C en surface et 36-37 °C à 10 cm de profondeur.
Un intérêt économique par rapport à l’achat de paille
Prenons un exemple : élevage en aire paillée de 1 200 m², pour 150 vaches laitières, avec cinq mois de pâturage intégral, qui achète 100 % de sa litière. L’achat de paille revient à plus de 21 000 euros/an. L’achat de miscanthus en substitution de la paille permet un gain de 7 500 euros/an dans l’exemple. L’autoproduction de miscanthus sur 7 ha (avec un rendement de 13 t brute) apparaît encore plus économique.
À l’échelle du système d’exploitation, la perte économique par l’occupation du miscanthus sur 7 ha, initialement destinés à la production de fourrage pour l’élevage laitier ou à la production de grandes cultures en AB, n’impacte pas les résultats économiques globaux. À noter que l’impact sur la fertilisation du système n’a pas été chiffré et pourrait réduire quelque peu ce bilan positif.

Impact sur la fertilisation du système et intérêts agronomiques et écologiques

Dans les systèmes en agriculture biologique, les effluents d’élevage sont une ressource précieuse de fertilisation organique. Or, en litière miscanthus (litière malaxée), les quantités de matière organique produites à l’échelle du système sont inférieures à celles en litière paille. Il existe peu de références sur les valeurs fertilisantes des fumiers en litière miscanthus. Les analyses dont on dispose présentent des valeurs sensiblement supérieures à un fumier de litière accumulée. Le C/N, plus élevé que celui d’un compost, témoigne d’un produit humique stable, dont les éléments nutritifs sont libérés lentement.
Concernant les besoins du miscanthus au champ, il est peu exigeant en éléments fertilisants : la restitution des feuilles au sol pendant l’hiver constitue un apport de matière organique non négligeable. Une fumure d’entretien peut s’envisager tous les trois à quatre ans, après la récolte.
Cette culture pérenne, implantée pour 20 à 25 ans, joue un rôle bénéfique sur la réduction du ruissellement et du lessivage des nitrates. C’est également un refuge pour la biodiversité.

Le miscanthus pour se chauffer

Jean-Jacques Pinguet dispose d’une chaudière polycombustible de 50 kW, alimentée en miscanthus. Sachant que 3.5 t de miscanthus équivalent à 1 000 l de fioul, le calcul est vite fait : avec un coût de production du miscanthus à 56 euros/t, se chauffer au miscanthus est plus rentable. Mais la chaudière polycombustible est un investissement conséquent, à raisonner sur le long terme. •
 

 

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