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Le marché du carbone en agriculture, de quoi on parle ?

Perspective de la décarbonation en agriculture développée par Claudine Fourcherot de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE).

Plantation de haies
Plantation de haies
© Catherine Hennebert

La chaire modèles entrepreneuriaux en agriculture (MEA) de l’EM Normandie, en partenariat avec Cerfrance et le Crédit Mutuel Normandie, a organisé la première convention d’affaires professionnelle “Fermes bas carbone” le 3 novembre au lycée agricole d’Yvetot.

Que pèse le carbone dans l’agriculture ?

L’agriculture française représente environ 20 % des émissions des effets de serre. Elle est décriée en tant qu’émettrice de protoxyde d’azote par l’utilisation des intrants chimiques et de méthane pour l’élevage. Ce sont les deux gaz qui ne sont pas les plus importants en quantité mais en termes de coefficient GES, ils sont très conséquents avec une durée de vie dans l’atmosphère assez longue.
L’industrie et le tertiaire peuvent réduire leurs émissions de GES mais n’ont pas la capacité à stocker du carbone comme l’agriculture. Le marché du carbone est un moyen de financer ce que met en place l’agriculteur en termes de stockage carbone pour que les entreprises du tertiaire et les industriels puissent décarboner.
Dans le cadre des Accords de Paris de 2015, l’objectif est de ne pas dépasser les + 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, voire + 1.5 °C. Pour atteindre cet objectif, cela veut dire être neutre en carbone d’ici 2050 : réduire au maximum les émissions de GES et stocker du carbone dans les forêts et dans les sols agricoles pour compenser les émissions résiduelles. Aujourd’hui, on sait tous que l’on est loin du compte.
L’urgence est que chaque pays renforce son ambition et mette en place des moyens pour atteindre les objectifs. Au niveau européen, il y a un objectif identique pour 2050 avec un objectif intermédiaire de - 55 % par rapport à 1990 d’ici 2030.
Pour atteindre les objectifs, de grosses transformations sont attendues de la part de tous les secteurs d’activité, y compris du secteur agricole.
Aujourd’hui, les sols agricoles sont émetteurs nets. Ils déstockent plus de carbone qu’ils en stockent. L’objectif est d’inverser la tendance pour compenser les émissions résiduelles des autres secteurs d’activité.
Le secteur agricole est attendu sur trois niveaux
En France, même si c’est le secteur d’activité le moins concerné, l’agriculture doit diviser par deux ses émissions d’ici 2050, ce qui est énorme. « On sait très bien que l’on ne pourra pas réduire à zéro les émissions de protoxyde d’azote et de méthane. Demain l’objectif est donc qu’il n’existe plus que des émissions agricoles sur l’ensemble de l’économie et que des puits de carbone compensent ces émissions résiduelles. Les sols agricoles ne pourront pas compenser à eux seuls, il faut compter aussi sur les forêts. L’utilisation du bois à longue durée de vie permettra aussi de stocker du carbone », explique Claudine Fourcherot de l’I4CE.
Le secteur agricole est attendu sur trois niveaux : devenir stockeur net, diviser par deux les émissions, et contribuer à produire de la biomasse (biomatériaux et bioénergie) pour aider à la décarbonation des autres secteurs.
« Tout cela représente un coût et les politiques publiques sont indispensables pour inciter le changement de comportement et accélérer la recherche sur des solutions bas carbone. Il faudra également faciliter leur déploiement en assurant la compétitivité de ces solutions ».

Créer un cadre avec le label bas carbone

Il y a des outils à disposition des pouvoirs publics : les subventions et incitations fiscales, les normes avec des seuils maximaux, la taxe carbone, les paiements pour services environnementaux comme le label bas carbone.
L’objectif du label bas carbone est de créer un cadre qui certifie des réductions d’émissions et de la séquestration de carbone afin de les rémunérer. Ce sont les réductions d’émissions qui sont converties en crédits carbone et qui vont pouvoir être achetés sur les marchés et venir rémunérer le projet.
Ce label est piloté par le ministère de la Transition écologique. « N’importe qui peut proposer une méthode qui respecte le cahier des charges mais qui est spécifique à son secteur. Par exemple, l’Institut de l’élevage a été parmi les premiers à se mobiliser et à proposer une méthode sur les élevages bovins. Il y a la méthode grandes cultures qui a été développée par Arvalis, il y a des méthodes plus spécifiques comme la méthode développée par la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire sur la plantation et la gestion des haies. Il y a également une méthode sur la plantation de vergers, sur la gestion des intrants… il y a des méthodes sur le porc et la volaille qui sont en cours de développement. Des travaux sont en cours pour converger vers une méthode unique avec des leviers tiroirs utilisables par les agriculteurs ».

Y aller à plusieurs

« Le label n’a pas été pensé pour que chaque agriculteur propose un projet. Il y a un vrai intérêt à faire des économies d’échelle en y allant à plusieurs. Pour cela il y a besoin d’acteurs intermédiaires qui regroupent et accompagnent les agriculteurs : les filières pour le volet accompagnement de projet sur le terrain, des cabinets de conseils dont la mission est d’aller chercher des projets à financer pour les grosses entreprises. Et puis il y a les acteurs territoriaux qui mettent en relation les porteurs de projets avec les entreprises locales ». •

Le prix du carbone

Actuellement les projets bas carbone sont financés par la vente de crédits carbone sur les marchés volontaires. Le prix a été fixé en fonction du coût du projet. Une évaluation a été faite sur les premiers projets dans le secteur de l’élevage, ainsi qu’une estimation des volumes de réduction des émissions permis par ses projets. Cela donne à peu près un prix plancher d’environ 40 euros la tonne de carbone. Ce qui est pertinent pour le secteur de l’élevage mais pas forcément pour les cultures. Cependant, ce prix est devenu la référence et il n’est pas toujours facile de trouver des financeurs prêts à payer au-dessus de 40 euros la tonne. Il faut savoir qu’au niveau international, on est plus autour de 5 euros la tonne.
 
Diversifier les sources de financement
Les projets en élevage ont démarré depuis 2-3 ans et les projets pilotes grandes cultures sont en train de démarrer. Le constat est que 40 euros la tonne ne passe pas toujours. Pour Claudine Fourcherot, face à ce constat, il faut diversifier les sources de financement. « Les marchés volontaires de compensation carbone restent modestes. La certification carbone pourrait être utilisée pour flécher n’importe quelle source de financement qui cherche à avoir un impact climatique : on peut imaginer une compensation carbone réglementaire. Depuis la loi climat et résilience, il y a des émissions sur lesquelles il y a obligation de compenser. C’est le cas des vols domestiques, des centrales à charbon. On pourrait aussi imaginer des cofinancements publics. C’est déjà le cas en France avec le plan de relance où il y a une mesure qui vise à financer le diagnostic GES et le plan d’action des exploitations, première étape d’un projet label bas carbone ».

 

La Pac pour financer les projets bas carbone ?

La Commission européenne a décidé de créer une sorte d’équivalent au label bas carbone au niveau européen. « Le cadre de certification carbone sera européen. Il permettra de faire le tri dans toutes les initiatives et de les faire converger vers un niveau commun d’exigence. Pour le moment la Commission envisage de rémunérer uniquement le volet séquestration de carbone dans les sols et non le volet émissions de protoxyde d’azote et de méthane. Cela devient moins incitatif pour les agriculteurs. Nous poussons à étendre le périmètre, précise Claudine Fourcherot. Il faudra également s’assurer de ne pas mettre en place des pratiques qui auront des impacts négatifs sur d’autres enjeux tels que la biodiversité ou la qualité de l’eau. En ce qui concerne les sources de financement, la Commission parle aujourd’hui de marchés volontaires mais également de la Pac. Dans la prochaine Pac, il pourrait y avoir une partie des financements fléchés vers l’obligation de résultats pour des exploitations qui démontrent qu’elles ont un réel impact. On en saura plus sur ce cadre fin novembre. Cette proposition sera discutée courant 2023 ».

 

Normandie Carbone, un outil régional au service de la neutralité

L’Agence de développement Normandie a créé Normandie Carbone pour catalyser les projets de développement autour de la diminution des impacts environnementaux. C’est un nouveau dispositif régional pour financer des projets de décarbonation sur la base du système de compensation carbone volontaire, en complémentarité du label bas carbone. Aujourd’hui il y a trois méthodologies destinées aux entreprises du territoire normand : les utilités industriels (le froid, le chauffage, la compression, l’électrification…), la mobilité et le bâtiment tertiaire durable (isolation éclairage, chauffage…).
« On sent une appétence côté porteurs de projet, précise Pierre Benassi, chargé de mission pour Normandie Carbone. Côté financeurs, il y a de bons signes d’intention mais qui se concrétiseront quand il y aura des projets en face. La problématique d’augmentation des coûts des matières premières et de l’énergie limite les investisseurs. Ces derniers préfèrent aujourd’hui agir sur la réduction de leur consommation d’énergie plutôt que d’aller financer un projet chez un voisin ».
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