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La non-castration des porcelets : des alternatives possibles

Depuis le 1er janvier 2022 la castration à vif des porcelets est interdite. Face à cette nouvelle réglementation, de nouvelles alternatives sont mises en avant, la production de mâles entiers en est une. 

L'éleveur Stéphane Savalle, éleveur porcin à Beuzevillette.
Stéphane Savalle, éleveur porcin à Beuzevillette, engraisse des mâles entiers et des femelles. Dans cet élevage, les mâles sont pourvus de testicules
© Blandine Huré

Jusqu’au 1er janvier 2022, le porcelet mâle était castré à la maternité, à vif, sans anesthésie aucune. En pratique, la castration ne durait que quelques secondes : il convenait d’inciser le scrotum, d’extraire les testicules, de couper le cordon spermatique et de désinfecter la zone. Un anti-inflammatoire lui était normalement obligatoirement administré pour atténuer les douleurs post-opératoires. L’opération permettait d’avoir des animaux moins agressifs et d’éviter que certains mâles entiers lors de la cuisson ne diffusent une odeur d’urine. Car lors de sa puberté, le porc développe des hormones qui détériorent les qualités organoleptiques de la viande.

L’évolution des pratiques 

Cette pratique de la castration longtemps promue est aujourd’hui abandonnée. Les attentes sociétales concernant la condition animale sont passées par là et les principes de bien-être animal sont désormais la règle (voir encadré)
Dès février 2020, un arrêté avait été signé pour interdire cette castration à vif et mieux encadrer l’opération de castration en obligeant notamment l’éleveur à la prise en charge de la douleur du porcelet. 
En janvier dernier, un nouveau pas a donc été franchi. En vertu de cette nouvelle législation, les élevages en conventionnel ont dans l’obligation de pratiquer une anesthésie pour supprimer la douleur de l’intervention. 
Dans les élevages en bio, l’anesthésie était obligatoire depuis 2012.
Ce nouveau contexte réglementaire a fait émerger de nouvelles alternatives : 

  • l’immunocastration : un protocole similaire à un vaccin ;
  • la castration sous anesthésie locale et analgésie, ce qui permet de conserver une viande et un gras de qualité mais nécessite un suivi des éleveurs par les vétérinaires ;
  • l’arrêt de la castration pour la production de mâles entiers qui nécessite toutefois des recherches en sélection génétique et une adaptation des pratiques d’élevage mais également de nouvelles méthodes de détection des carcasses en abattoir.
     

Une production de mâles entiers encadrée

« Chez Cooperl, cela fait des années que nous réfléchissions à l’arrêt de la castration, explique Bertrand Convers, délégué aux relations extérieures groupe au sein de la coopérative. Nous avions fait le constat que la production de mâles entiers était un avantage pour l’éleveur puisque cela lui donnait moins de travail mais qu’en revanche cela présentait un risque pour la filière ; la distribution et les consommateurs risquant de ne pas être au rendez-vous en raison de l’éventuelle détérioration organoleptique de la viande. Durant cinq années, de 2008 à 2013, nous avons donc investi des moyens financiers et humains conséquents pour effectuer des recherches dans 40 élevages et trois outils d’abattage afin d’arrêter cette castration. Ces tests grandeur nature nous ont permis, en premier lieu, d’identifier quels étaient les facteurs responsables de la production de mâles odorants et, en second lieu, d’établir une gestion des risques sur la chaîne d’abattage ». Cette étape de recherche et développement a permis à la coopérative de conclure qu’il était tout à fait possible de généraliser la production de porcs non castrés. Pour ce faire, la coopérative a formé des “nez humains”, capables de détecter une odeur de carcasse sur la chaîne d’abattage, notamment dans les abattoirs de la filière situés à Montfort-sur-Meu (35) et Houdan (78). Elle a également mis en place un suivi technique de ces élevages de mâles entiers basé sur des indicateurs génétiques et d’hygiène, et effectué une évaluation de l’élevage sur la base d’un référentiel de 130 critères (lumière, ambiance, accès à l’eau, etc.) qui couvrent le bien-être animal mais également les trois piliers du développement durable (écologique, économique et social). Chaque évaluation entraîne désormais une notation de l’élevage, les mauvaises pratiques étant sanctionnées. La coopérative impose bien évidemment un délai pour la mise en œuvre de mesures correctives, puis valorise les bonnes pratiques sous forme de points. Cette grille d’évaluation rentre en compte dans le cahier des charges du label “Porc Bien-Être” de la Cooperl. Il comprend, entre autres, l’arrêt de la castration. « Le fait de ne plus castrer est aussi un point positif pour la filière, surtout lorsqu’on sait qu’elle a du mal à recruter », souligne Bertrand Convers. 

Une plus-value économique

L’intérêt pour l’éleveur de ne plus castrer va bien au-delà de l’aspect social. « L’éleveur étant payé sur le poids de l’animal et l’indice taux de muscles des pièces (TMP), on estime que l’éleveur perçoit 5 euros de plus au minimum pour un porc non castré en raison de ce TMP plus élevé, ajoute Bertrand Convers. C’est en quelque sorte une plus-value “technique” ». « En plus de cela, il est démontré que son indice de consommation – qui va générer une consommation moindre d’aliments – s’améliore nettement. C’est une réelle économie pour l’éleveur et pour la planète puisque cela contribue à diminuer les émissions de méthane ». Aujourd’hui 85 % de la production de porc des éleveurs de la Cooperl provient de mâles entiers. 
« À ce jour, personne n’a envie de faire marche arrière. Depuis 2013, ce sont 15 millions de tonnes de viande de mâles entiers vendus en boucherie, grandes enseignes, sans aucun retour négatif. Et seulement 2 % de la viande produite par nos éleveurs est aujourd’hui odorante, contre 7 % lorsque nous avons débuté en 2013 », précise Bertrand Convers.
En adéquation avec sa démarche de production, la coopérative a également développé le label “Porc sans antibiotiques”. « C’était la suite logique, la non-castration a un intérêt sanitaire. Car bien évidemment une opération en moins, c’est une cicatrice potentiellement vectrice de contamination en moins, et donc zéro prise d’antibiotiques pour le porcelet, précise-t-il.  Aujourd’hui 40 % de notre production est labelisée porc sans antibiotiques ». •

Témoignage d’un éleveur adhérent à la Cooperl

Stéphane Savalle, 58 ans est éleveur de porcs à la SCEA du Feugres sur la commune de Beuzevillette. Il est à la tête d’un cheptel de 250 truies en atelier naisseur-engraisseur. Membre de la Cooperl depuis 2008, il s’incrit dans cette démarche de production de mâles entiers non castrés. 
« En tant qu’adhérent, j’ai voulu suivre cette démarche proposée par ma coopérative. La castration étant une opération pénible, j’étais ravis. Mais ce qui m’a fait basculer, c’est aussi, et surtout, l’intérêt que j’y vois pour mes animaux. Je suis depuis toujours très attaché à ce que mes bêtes vivent le mieux possible au sein de mon élevage », souligne l’éleveur. Nicolas Grevrent, son responsable élevage, ne dira pas le contraire : « Pour rien au monde je ne voudrais refaire marche arrière, je ne vois que du positif à ne plus castrer. » « Au niveau de la croissance nous avons remarqué une réelle différence. Les porcs sont en meilleure forme, plus vigoureux, et de ce fait nous avons moins de pertes à déplorer », expliquent conjointement les deux hommes. Toutefois pour parvenir à ce résultat, ils ont dû s’adapter. 
« Tout d’abord nous avons travaillé main dans la main avec les entreprises de sélection génétique porcine qui nous ont proposé des semences spécifiques à la production de mâles entiers pour contrer l’odeur d’urine possible de la viande. Aujourd’hui nous utilisons la semence Nucleus qualifiée “Ino”, c’est-à-dire inodorante. Nous avons également adapté l’alimentation du cheptel. Ce qui a engendré un surcoût de 1 euro par porc, mais avec les plus-values, nous nous y retrouvons pleinement », soulignent l’éleveur et son responsable d’élevage.

Visible par le client et le consommateur

Brocéliande, filiale de la Cooperl créée en 2014, vient d’obtenir la note maximale au “castra-score” développé par l’association de protection des animaux de ferme Welfarm. C’est un outil d’évaluation qui permet de recenser les marques et les enseignes de grande distribution qui s’engagent contre la castration des porcelets. Aujourd’hui la marque Brocéliande utilise donc la non-castration des mâles comme un argument de vente auprès de ses débouchés, et elle en fait un outil de communication auprès de ses consommateurs. À partir de juin prochain, elle va d’ailleurs stipuler sa démarche sur ses emballages de lardons et jambons, plus visibles pour les consommateurs.
 

Définition du bien-être animal

Selon l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), le bien-être animal désigne l’état physique et mental d’un animal en relation avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt :
- être épargné de la faim, de la soif et de la malnutrition ;
- être épargné de la peur et de la détresse ;
- être épargné de l’inconfort physique et thermique ;
- être épargné de la douleur, des blessures et des maladies ;
- être libre d’exprimer des modes normaux de comportement.
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