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Guerre en Ukraine : le monopole des matières premières agricoles a changé de main

La Chambre d’agriculture de Normandie apporte un éclairage sur un contexte de marché assez inhabituel qui demande quelques explications.

La Chambre d’agriculture de Normandie apporte un éclairage sur un contexte de marché assez inhabituel qui demande quelques explications.
© J.-C. Gutner

Lors d’un webinaire du 6 juillet, Xavier Goutte a donné quelques clés de compréhension sur la situation actuelle des marchés agricoles. Le conseiller à la Chambre d’agriculture intervient auprès des agriculteurs pour du conseil en gestion de risque au sein du réseau national “Mes Marchés”.

Un fondamental : le ratio stock/consommation

Pour expliquer ses propos, ce dernier a rappelé que les fondamentaux d’un marché sont le ratio entre le stock et la consommation. Sur les marchés agricoles, quand il y a six mois de stocks, les prix sont bas et peu volatils. Quand on arrive à trois mois de stocks, la volatilité commence à augmenter et les prix varient entre moyen bas et un peu plus haut. Quand on est à deux mois, on arrive sur un sentiment de pénurie sur les marchés alimentaires. Et quand il n’y a plus que six semaines de stocks, on parle de pénurie.

L’analyste propose de regarder la situation des marchés avant mars 2020 : « 2020, c’est l’arrivée de la Covid mais c’est aussi la fin d’un long cycle de marché qui avait débuté en 2013. En mars 2020, certaines matières premières commencent à être déjà en tension : le marché du blé a un ratio de seulement 25 %. Nous sommes en pénurie pour l’orge (ratio 11 %), les oléagineux, en particulier le tournesol et le colza (8 %) et le maïs (11 %) ».

Au printemps 2022, le ratio est descendu à 19 % pour le blé, en maïs et en orge à 10 %, en colza tournesol à 5 %. « Donc, bien avant la situation de la guerre en Ukraine, la situation des fondamentaux était en train de se tendre ».

« Top départ du nouveau monde »

Le 13 août 2020 est le « top départ du nouveau monde » avec la Chine qui s’est mise à acheter massivement des céréales. « Personne ne sait si cela va se poursuivre. Quand un pays détourne 40 millions de tonnes (Mt) sur des bilans déjà tendus, cela crée forcément une grande perturbation ». Ensuite, le Brésil fait une très mauvaise récolte de maïs en 2021 avec 30 Mt de moins qu’attendu. Les grosses chaleurs de l’été 2021 sur les grandes plaines canadiennes et les États-Unis divisent par deux les productions de blé et de canola. Enfin, la Russie se met à pratiquer des taxes à l’exportation, jusqu’à 100 dollars la tonne.

Depuis 2020, nous sommes donc sur une tendance haussière forte mais la guerre en Ukraine, par effet de panique, a provoqué en février 2022 une ultra-tendance haussière qui s’est arrêtée au milieu du mois de mai. « Les marchés surréagissent sur des événements forts mais au bout d’un certain temps, ils digèrent toujours la nouvelle situation et se remettent dans leur tendance longue. L’impact sur les oléagineux a été spectaculaire mais le colza est la matière première agricole qui a le plus vite corrigé les effets de la guerre ».

Conséquences de la guerre en Ukraine ?

Aujourd’hui, le blocage en Ukraine est réel sur le tournesol (huile et graine), et une grande partie du blé et du maïs. Mais le voisin russe n’a jamais vendu autant qu’actuellement. La situation est paradoxale sur le grand bassin de la mer Noire. La Russie exporte du tournesol et du blé.

C’est sur le tournesol que sont les plus grandes incertitudes car il est produit dans des zones sous contrôle russe aujourd’hui.

Grande incertitude pour le maïs également : « c’était 40 Mt l’an dernier et on attend plus que 27 Mt à cause de la guerre. Avec 10 Mt, l’Union européenne est le premier acheteur de maïs ukrainien. Le maïs produit dans le nord du pays nécessite un acheminement très long pour aller vers le sud. Une part énorme du maïs est stockée et personne ne sait s’il sortira et dans quelles conditions. Les acheteurs historiques de maïs ukrainien, principalement des fabricants européens d’aliments, sont donc en souffrance ».

La totalité de la production d’orge (10 Mt) est exportée. C’est un leader sur ce marché. Produite dans le sud du pays, il semble qu’elle puisse sortir plus facilement par voie terrestre. L’Arabie saoudite et la Chine sont les principaux acheteurs mais « les Européens vont-ils acheter de l’orge plutôt que du maïs ? ».

Aujourd’hui le blé ukrainien pourrait sortir par Odessa mais il est aujourd’hui très compliqué de le faire circuler.

Il y a 20 ans, l’Ukraine produisait 3 Mt de graines de tournesol. Le pays était arrivé à 18 Mt avant la guerre. Il y a de grandes incertitudes sur ce produit. Les tourteaux de tournesol ukrainien fournissaient une très grosse part des fabricants d’aliments européens. Essentiellement produit sur l’est de l’Ukraine, il est fort probable que cela soit les Russes qui décident maintenant. « Il faudra s’habituer au fait que la Russie soit un leader absolu sur le tournesol ».

Le colza est devenu un produit ukrainien majoritairement produit dans l’ouest du pays. Les exportations se font par voies terrestre et ferroviaire et cela devrait continuer. L’Europe achète presque tout et il ne semble pas qu’il y ait de souci.

Monopole de la Russie sur les matières premières agricoles

« Avec la récolte ukrainienne, la Russie détient un quasi-monopole. Les matières premières agricoles ont changé de main avec la guerre et la Russie inonde la grande zone du Moyen-Orient par voie terrestre et maritime ».

Avec l’Ukraine, les Russes ont une position dominante totale sur l’huile de tournesol, sur l’orge et sur le marché mondial du blé. Ils maîtrisent une part énorme des exportations, jusqu’à 35 % pour 2022-2023.

« Les prix hallucinants que l’on a connu sur le printemps 2022 ne vont pas durer mais je ne pense pas non plus que l’on retournera dans les les zones de prix d’avant Covid car ils n’étaient pas en lien avec les fondamentaux », conclut Xavier Goutte. •

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