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Quels leviers actionner pour s’adapter aux aléas climatiques et économiques

La journée organisée à Amiens le 31 janvier par Arvalis visait à dresser le constat des aléas, économiques et climatiques, que vit l’agriculture et à tracer les pistes d’adaptation qui s’offrent aux producteurs à court, moyen et long terme.

Deux cents agriculteurs, techniciens, représentants de firmes et étudiants étaient réunis sur la journée, rythmée par les interventions des ingénieurs Arvalis et des tables rondes réunissant experts et agriculteurs.

Aléas économiques...

Un premier point brossait le contexte économique complexe de 2022 et les perspectives 2023. Reprise post-Covid, hausse des charges, guerre en Ukraine, risques de pénuries, sécheresse, parité euro/dollar... nombreux sont les facteurs qui pèsent sur le marché. Selon l’observatoire Arvalis-Unigrains reprenant les données comptables de 4 000 exploitations de 17 départements situés surtout dans le Nord de la France, la hausse des prix des céréales et des produits agricoles en général est venue compenser la hausse des charges et les agriculteurs ont pu tirer leur épingle du jeu en 2022, même si les situations sont hétérogènes, notamment en fonction de la date d’achat des intrants, de celle des ventes et des rendements.
Qu’en sera-t-il en 2023 ? La tendance des cours des céréales est à la baisse actuellement, alors que les charges, des intrants particulièrement, sont attendues en hausse : elles pourraient atteindre entre 2 200 et 2 400 euros/ha, avec la crainte d’un effet ciseau, c’est-à-dire un prix de vente qui ne compense plus la hausse des coûts de production. Ces craintes sont fondées pour le blé, mais aussi pour l’orge où l’effet ciseau pourrait même arriver plus rapidement.
Le conseil d’Arvalis est d’utiliser au maximum des outils de gestion, de calculer ses coûts de production prévisionnels 2023 et s’arbitrer dans la mesure du possible sur la récolte 2023 entre l’achat des intrants et la vente des productions et anticiper les prélèvements obligatoires en termes de trésorerie.

et aléas climatiques

2022 a été une année chaude et sèche et si l’on observe les évolutions climatiques récentes, on observe une hausse des températures sur le cycle du blé de plus de 200 °C, soit une réduction de 10 jours du cycle. Les hivers sont plus doux, 3 à 5 jours de gel en moins par décennie et les journées à plus de 30 °C avec risque d’échaudage sont plus nombreuses. Côté précipitations, pas de tendance nette, mais les températures plus fortes dessèchent les sols et les excès d’eau pendant la période hivernale ont un impact sur la structure des sols. Les zones à déficit en eau ont tendance à s’étendre.
Par contre, le rayonnement croît, ce qui a un impact positif sur les rendements en blé et en maïs. D’ailleurs, jusque dans les années 2000, le rendement en blé augmentait d’un quintal par an. Depuis, malgré le progrès génétique certain, les rendements stagnent à cause des aléas climatiques : gel tardif, sécheresse, excès d’eau, forte pression des agresseurs.
Différents scénarios (forte augmentation des GES, gaz à effet de serre, RCP 8,5 ; stabilisation RCP 4,5 ; baisse) sur le climat en 2050 sont appliqués aux stations de relevés météo (Saint-Quentin, Rouen et Châlons-en-Champagne) et on en mesure ainsi les répercussions sur la phénologie du blé. L’épiaison est anticipée de 7 à 10 jours, le tallage dure 10 jours de plus environ selon les stations. Pour le maïs, la floraison est avancée de 10 à 15 jours et la récole de près d’un mois avec des taux d’humidité plus faibles.
Au final, certains experts voient des rendements en hausse grâce à des effets comme plus de rayonnement, d’autres prédisent des baisses à cause des déficits hydriques plus marqués et des aléas extrêmes.
Que faire ? Faut-il revoir les dates de semis de blé ? les précocités ? Il faudra trouver un compromis entre un semis pas trop tardif pour échapper aux fins de cycles stressantes et un semis pas trop tôt pour échapper au gel début montaison. Les variétés 1/2 tardives à 1/2 précoces sont de plus en plus semées par les agriculteurs. Précocifier les semis début septembre est une fausse bonne idée car d’autres problématiques peuvent apparaître : trop fortes pressions vulpin à gérer, insectes (taupins, JNO), du gel d’épis dans la tige. On bénéficie de plus de souplesse en octobre. En précédent colza, décaler la date de semis de 15 à 20 jours (fin octobre début novembre) permet de diminuer la pression vulpin de 30 à 50 % et de limiter la pression pucerons. Par contre, les semis tardifs (2e quinzaine de novembre) peuvent être affectés en cas de sécheresse printanière, particulièrement derrière betterave en cas de problème de structure et de moins bon enracinement.
De même, en orge d’hiver, il est possible de décaler les dates de semis de quelques jours.
Pour répartir les risques, il ne faut pas semer toutes les parcelles aux mêmes dates, avoir 4 ou 5 variétés différentes dans sa sole ou en mélange. Depuis 15 ans, il n’y a plus de corrélation entre les résultats (bons ou mauvais) d’une variété en année n et n+1. Dans le Nord de la France, les stress climatiques restent modérés, les effets bénéfiques du CO2 et du rayonnement peuvent s’exprimer sur céréales, tout comme les températures sur le maïs.

Gérer la ressource azote

Entre flambée des prix et possibilité de pénurie, la gestion au plus près de la fertilisation azotée est un enjeu fort, d’autant plus que la fabrication des engrais azotés est une forte source d’émission de GES. Les aléas climatiques vont engendrer :
- une variabilité plus forte au niveau de la phénologie : ne pas raisonner à date calendaire, utiliser les outils d’aide à la décision (OAD) ;
- une variabilité plus forte des rendements : réviser le potentiel de rendement avec des outils de pilotage en végétation et en situation de stress ou de sols superficiels, moduler la dose en fonction des données constatées en grande sécheresse ;
w une variabilité plus forte dans les pluies : fractionner en 3 ou 4 apports, c’est répartir les risques et mettre moins d’azote en situation compliquée ; choisir des formes d’azote plus efficaces ;
- une croissance plus importante en hiver et potentiellement de meilleurs statuts azotés, d’où l’intérêt de raisonner la dose au tallage.
La courbe de réponse moyenne à l’azote montre une différence de 46 q/ha en 2022 entre témoins traités et non traités, contre seulement 36 q en 1982 ; une meilleure efficience de l’azote sans doute due à un effet variété ou itinéraire technique. En tout cas, la cinétique d’absorption du blé en azote est loin d’être linéaire et trop anticiper les apports est souvent préjudiciable. La tentation peut être de revenir à deux apports pour simplifier. Or, les résultats des essais en Hauts-de-France montrent que trois apports sont préférables à deux, que ce soit en terme de rendement ou de teneur en protéines. Et c’est plus sécurisant dans un contexte d’aléas climatiques. De même, il faut appréhender le risque de manière objective pour rationaliser la prise de décision. Ainsi, la dose totale est souvent surestimée. 27 % des situations sont correctement estimées en sortie hiver et 55 % dans la marge d’erreur rattrapable par un OAD type Farmstar. La bonne estimation de la dose se situe à plus ou moins 15 kg N/ha par rapport à la dose optimale.
Arvalis a ainsi imaginé un OAD, le modèle CHN, pour un pilotage intégral de l’azote qui puisse prendre en compte le risque climatique. C’est la fusion de tous les modèles assis sur des données entrées (météo, sols), les caractéristiques de la parcelle... Il est basé sur l’INN, indice de nutrition azotée de la plante. Si ce dernier est supérieur à 1, la plante est suralimentée, elle est sous-alimentée s’il est inférieur 1. Par rapport à la courbe historique d’INN, un pilotage maîtrisé permet d’atteindre un rendement optimal malgré des niveaux de nutrition azotée suboptimaux en début de cycle.
Cet outil permettra de s’affranchir de la notion de potentiel de rendement, au profit d’une approche diagnostics-pronotics pour atteindre le potentiel de l’année, sur la base d’une réévaluation du potentiel de croissance de la culture en temps réel, notamment à l’aide de mesure satellite des parcelles. L’outil est en rodage depuis plusieurs années et en 2021 et 2022, des essais en bandes menées par des agriculteurs ont eu lieu. Les performances semblent à la hauteur des attentes, mais l’outil doit être perfectionné et demande un accompagnement conséquent des utilisateurs.
Optimiser la ressource en eau du sol
Le réservoir utilisable (RU) est la quantité d’eau que le sol peut stocker et restituer aux plantes (en mm). Il dépend de la profondeur d’enracinement maximal, du fonctionnement racinaire et varie dans le cycle de la plante. Les facteurs qui influencent le réservoir facilement utilisable sont la pluie/irrigation, l’ETP, la consommation/extraction de la plante en eau (espèce, stade, variétés), la profondeur du sol, la texture, l’enracinement/structure, la matière organique, la couverture des sols/ limitation du travail du sol.
Faut-il augmenter la matière organique pour augmenter le RU ? Arvalis répond que l’enjeu de la MO est finalement modéré sur le RU, d’autant plus que remonter le taux de matière organique du sol prend plusieurs années. Contrairement au tassement, qui a un impact négatif fort sur le RU et sur les rendements jusqu’à - 25 % sur cultures de printemps (ex : maïs). Les cultures d’hiver (ex : blé) sont moins sensibles. Les cultures de printemps sont ainsi très sensibles au tassement.
Arvalis cherche aussi à mesurer les effets des couverts sur la fertilité des sols.
D’abord, ils protègent le sol de la dégradation par les pluies, limitent ruissellement et érosion. De même, la stabilité structurale est meilleure sous couvert qu’en sol nu (qu’il soit déchaumé ou non) sur les premiers centimètres. Un essai mené en Poitou-Charente a montré que les couverts ont aussi tendance à améliorer la vitesse d’infiltration en régime stable (point à confirmer dans la synthèse des essais). Par rapport à un sol nu, les couverts permettent de conserver un état de structure meilleur.
Par contre, les essais sur le mulch, dont on pouvait penser qu’il améliorait l’évapotranspiration du sol, révèlent des effets négatifs, sans doute par la concurrence que le paillis exerce avec la culture en place. En effet, un couvert consomme en moyenne 15 à 25 mm pour 2 t MS/ha. À poursuivre dans d’autres expérimentations. •
 

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