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L'agroforesterie préserve le potentiel de rendement

Les projets menés depuis dix ans en Seine-Maritime montrent les bénéfices des systèmes agroforestiers pour les cultures, notamment en condition de stress hydrique, de mycorhizes et de carbone. 

Après dix ans de suivi, il n'y a pas de décrochage du rendement dû à la présence des arbres.
© Yann Pivain

Avec ses dix années d'expérience, le GIEE Agroforesterie en Normandie* permet d'avoir aujourd'hui des références que Yann Pivain, chargé de mission agroforesterie à la Chambre d'agriculture, est venu partager avec les agriculteurs le 30 novembre à Gueutteville-les-Grès. Une rencontre organisée par la Chambre et le Département.

" Quand nous avons commencé en 2013, on s'est posé la question de l'influence des arbres agroforestiers sur le potentiel de rendement. Au final, dix ans après, on se demande si cela ne va pas plutôt le préserver avec l'évolution du climat ", explique Yann Pivain.

Des suivis réguliers par drone ont permis de suivre l'évolution des cultures sur plusieurs années : " depuis 12 ans de suivi, nous ne voyons pas de décrochage du rendement dû à la présence des arbres ".

Rendement plus élevé en condition de stress hydrique

Au sein du GIEE une parcelle témoin en "openfield" est conduite avec la même culture et le même itinéraire que la parcelle agroforestière. Il n'y a pas d'écart de rendement significatif constaté. En 2022, année particulièrement chaude, le rendement en orge de printemps a même été très nettement supérieur sur la parcelle agroforestière.

" Pour le moment on ne conclut pas trop vite, mais on commence à voir des choses intéressantes. Avec les arbres, les pas de temps sont plus longs pour voir comment les choses se passent. À voir si dans les années qui suivent on confirme ce delta de rendement entre parcelle agroforestière et parcelle ouverte ".

Des travaux de l'Inra dans le sud de la France arrivent au même résultat dans des conditions de stress climatique élevées.

Un élément de fonctionnalité au service des cultures 

En agroforesterie, les arbres s'enracinent plus profondément que leur cousin forestier. " Cet aspect est important car cela rend l'arbre plus résistant au vent et à la sécheresse. L'étagement de ses racines en profondeur le rend moins en concurrence avec les cultures ".

Les arbres agroforestiers poussent aussi plus vite en diamètre et donc en termes de production de bois, on peut raccourcir les rotations. " À âge identique, ils sont moins hauts que les arbres forestiers mais ils sont plus gros. Exception faite du chêne qui, conduit en agroforesterie, est à la fois plus haut et plus gros ".

Autre observation importante, au bout de cinq ans, le taux de mortalité est beaucoup moins élevé en agroforesterie (2 % de perte) qu'en parcelle forestière (25 % de perte). Le phénomène de densité de plantation serait l'explication. De plus en agroforesterie, l'entretien limite le phénomène d'étouffement par la végétation qui peut se produire en parcelle forestière.

Par ailleurs l'agroforesterie améliore la fertilité : les feuilles enrichissent le sol en matière organique (MO). Dans des parcelles agroforestières, on peut avoir jusqu'à 40 unités d'azote fournies par la MO issue des arbres. Dans les premières années, cela concerne les 3-4 mètres et puis, au fur et à mesure du temps, cela concerne toute la parcelle

Plus de mycorhizes

Cette MO "est un support fonctionnel très intéressant car dans les parcelles agroforestières, l'activité microbiologique du sol est deux fois plus importante que dans celles en pleine lumière. On a beaucoup plus de biomasse microbienne et de champignons dont les racines ont la capacité à aller chercher de l'eau et le phosphore plus profondément que la racine végétale. Et plus de mycorhizes, cela veut dire un accès plus facile pour les plantes cultivées à une alimentation hydrique et minérale ".

Aujourd'hui, la question est de savoir si les cultures ont la capacité à se connecter à ce réseau d'endomycorhizes ? La phytoprotection, le travail du sol peuvent être des éléments à prendre en compte. Des études sont en cours sur ce sujet.

Autre constatation, la lixiviation des éléments nutritifs est moins importante que sur les parcelles agricoles sans arbres. Le contexte pédoclimatique et la pluviométrie vont bien sûr déterminer cette efficacité.

Deux fois plus de carbone stocké

La captation de carbone est également mise en avant : les arbres stockent du carbone dans la biomasse aérienne et dans la biomasse racinaire. Les racines des arbres agroforestiers allant plus en profondeur, le carbone est stocké plus en profondeur également. Ces feuilles qui tombent sur le sol, c'est aussi du carbone stocké en plus. On a des niveaux de séquestration entre 1 et 4 tonnes par hectare et par an. Un arbre agroforestier capte deux fois plus de carbone que son cousin forestier.

" Nous avons voulu aller plus loin sur la captation de carbone. Sur la parcelle agroforestière de Pierre Lelong à Cailleville, nous avons estimé la biomasse aérienne, la biomasse souterraine et mesuré la quantité de carbone relarguée par les feuilles. Nous avons transformé tout cela en quantité de carbone stocké par la parcelle. En dix ans, on arrive à 30 tonnes de CO2 stockées sur cette parcelle de 6 hectares. Cela fait environ 450 kilos de CO2 par hectare et par an et si on transforme cela en quantité de fioul brûlé, cela représente l'équivalent de 146 litres par hectare et par an qui sont stockés sur cette parcelle ".

Il a été regardé les niveaux d'émissions de GES dans les exploitations du GIEE. " Cela permet de savoir si la parcelle agroforestière permet de compenser ou pas les émissions de GES. Sur l'exploitation de Pierre Lelong, la consommation de fioul est de 100 litres de fioul par hectare et par an. Sur cette parcelle, la consommation de fioul est donc neutralisée par la croissance des arbres ". •

 

*L'Association pour une dynamique agroforestière en Normandie (Adan), porte en partenariat avec la Cran. un GIEE "Agroforesterie en Normandie" qui regroupe une douzaine d'exploitations dans l'Eure et la Seine-Maritime. Son objectif est de mettre en place un réseau d'acteurs pour le partage d'expérience et de savoir-faire.

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