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« Non au marchandage : voiture contre agriculture ! »

Interview d'Arnold Puech d'Alissac, membre du bureau de la FNSEA. Donald Trump, président des Etats-Unis, a rencontré Jean-Claude Juncker, président de la Commission Européenne, le 25 juillet à New-York. Se sont suivies des déclarations contradictoires sur un potentiel accord commercial qui concernerait l'agriculture. Pour Arnold Puech d'Alissac, membre du bureau de la FNSEA, ces déclarations, qui concernent principalement le soja, ressemblent fort à un effet d'annonce.

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Arnold Puech d'Alissac
© Charles Baudart


Comment analysez-vous les annonces successives de Donald Trump et de Jean-Claude Juncker sur l'ouverture du marché européen aux agriculteurs américains ? Arnold Puech d'Alissac : Contextualisons un peu ces déclarations : Donald Trump et Jean-Claude Juncker se sont rencontrés le 25 juillet dernier. A l'issue, le premier a déclaré que cette rencontre avait permis« d'ouvrir l'Europe aux agriculteurs américains » : cela sonne comme une aubaine pour les producteurs, après la fermeture du marché chinois dans le cadre de la guerre commerciale que se livrent les deux pays. Jean-Claude Juncker a, lui, infirmé ces propos. Enfin, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a par la suite, à son tour, contredit le président de la Commission européenne, en déclarant que les deux présidents avaient bien évoqué l'agriculture, et plus précisément le soja. D'après les règles de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) l'agriculture ne peut pas être exclue des négociations commerciales en cours. Le président américain, pourtant peu enclin à en tenir compte habituellement, semble soudain vouloir s'y conformer... S'il est très délicat de déterminer la teneur précise des propos échangés cet indice semble révéler des enjeux agricoles importants pour les Américains. Et on connaît la pugnacité de Donald Trump...

Actuellement, comment se passent les relations commerciales entre les Etats-Unis et l'Europe ? APA : Il faut préciser que, concernant les produits alimentaires, notre balance commerciale est excédentaire ; les Etats-Unis vendent à la France pour 1,5 milliard d'euros de produits alors que nous en exportons pour 6,5 milliards d'euros. Nous importons principalement du soja et du beurre de cacahuètes ; les Etats-Unis ne nous vendent ni viande, ni oeufs, alors qu'ils nous achètent viande, vin, fromage... c'est-à-dire des produits de grande renommée. De plus, en Europe, nos droits de douane sont plus protecteurs que ceux des Américains : nous supportons 5 % de droits de douane alors que les Américains exportent vers l'Europe avec 20 %. Nous n'avons donc pas intérêt à ce que cela change. Au final, les propos de Donald Trump sur l'ouverture du marché européen au soja américain ressemblent plus à un effet d'annonce, car sur le soja le marché est déjà ouvert et les droits de douane ont disparu. Face à la fermeture du marché chinois au soja américain, les producteurs américains perdent un débouché important et le président Trump aura peut-être voulu les rassurer. Enfin, le prix du soja américain étant actuellement inférieur au brésilien, les opérateurs privés européens qui en importent vont en tout état de cause naturellement se tourner vers la production américaine...


Parlez-nous des autres accords commerciaux internationaux qui concernent l'agriculture ? APA : Deux perspectives de marché intéressantes se profilent pour l'agriculture européenne. Suite à un accord de libre-échange signé avec l'Union européenne, le Japon ouvre ses frontières, notamment aux vins, aux viandes porcines et bovines et aux produits laitiers français, en abaissant ses droits de douane. Par ailleurs, la Chine a réautorisé il y a peu l'importation de viandes bovines françaises et européennes. Le marché chinois se développe énormément : 20 000 tonnes de viande importées en 2012, contre 800 000 en 2017, soit plus de 10 % de la production européenne. Ces perspectives positives sont à mettre en regard de nos positions défensives, par exemple face au Ceta, l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne : le Ceta permet l'importation de 50 000 tonnes de viandes bovines dans l'Union européenne, il s'agit d'une proposition très préoccupante. Autre sujet de discussion : les négociations actuelles pour un traité de libre-échange avec le Mercosur. Rien qu'avec les viandes bovines et de volailles, on parle de près de 200 000 tonnes de viande qui seraient importées en Europe ! Fort heureusement, cet accord n'est pas finalisé. Toutes les organisations agricoles de l'Union Européenne, même celles des pays nordiques, traditionnellement plutôt favorables aux traités de libre-échange, s'opposent à cet accord. De plus, le marché européen est saturé et celui d'Amérique du sud est bas de gamme. En conclusion, si l'Union Européenne a pu construire une PAC forte dans les années 70, c'est parce qu'en parallèle nous avons développé un marché agricole protecteur. Sans cela, l'agriculture européenne n'aurait pu se construire, car nous aurions toujours trouvé à importer des produits moins cher et de moins bonne qualité. Malheureusement, vu que de nombreux pays souhaitent exporter leurs produits alimentaires vers l'Union européenne, dans les accords commerciaux internationaux l'agriculture est trop souvent utilisée comme monnaie d'échange dans un marchandage au bénéfice de l'industrie ou des services... L'agriculture ne doit pas être bradée pour vendre des voitures.

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