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Pourra-t-on cultiver des betteraves en 2023 ?

L’assemblée générale de la confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) s’est tenue le 10 décembre en visioconférence. Au menu, de la technique, avec mille jours pour contrer la jaunisse.

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Semis de betteraves.
© V. MARMUSE - CAIA

« Nous sommes tous mobilisés pour relancer cette belle filière. » C’est ainsi que Franck Sander, président de la CGB a introduit l’assemblée générale. 2021 ne sera pas une autre année catastrophique, espèrent les planteurs. « La jaunisse ne s’invitera pas cette fois, et on peut espérer que la crise sanitaire sera derrière nous. » En 2020, jaunisse, Covid-19 mais aussi fermeture de plusieurs sucreries, expliquent le chiffre étonnant de 27 millions de tonnes de récolte estimés par la CGB, avec un rendement national qui a baissé de 30 %. La filière a mille jours pour trouver d’autres solutions que l’enrobage de semences contre la jaunisse.

Semer sereinement, c’est ce que demandent les planteurs aujourd’hui. Comment être sûr que dans trois ans, « on ne se retrouve pas au même endroit pour parler du même problème », se demande le député Grégory Besson-Moreau, invité de la CGB. Cet épisode, qui a failli être fatal à la filière, aura mis en lumière la nécessité de « ne pas interdire quand il n’y a pas de solutions ».

Un conseil de surveillance a été créé avec des parlementaires, des professionnels et des associations environnementalistes pour améliorer la communication sur le sujet. Des réunions seront organisées tous les trois mois, pendant ces mille jours. Des moyens financiers importants sont engagés pour la recherche en France, mais aussi en Europe.

Outre l’ITB en première ligne, cela implique des acteurs du secteur public et privés. L’approche est multifactorielle, pour que chacun, généticien, biologiste ou agronome, puisse apporter sa pierre à l’édifice. Des travaux qui sont déjà engagés, comme l’a souligné le président de l’Inrae, Philippe Mauguin.

Première piste, la génétique. Des variétés résistantes seraient en effet la solution privilégiée si elle s’avérait fructueuse. « Nous n’avons rien de tel jusqu’à maintenant », répond André Schmiesingun, chercheur allemand de Deleplanque. Le semencier travaille sur 200 variétés et 25 se révèlent intéressantes. « On a de l’espoir mais je reste prudent car il y a trois virus différents ». Pour le président de l’Inrae, les betteraviers vont pouvoir « bénéficier des résultats du programme Aker ». Il a déjà permis de doubler la diversité génétique de la betterave. « On s’était focalisé sur le rendement, rappelle Philippe Mauguin, mais les lignées développées vont pouvoir être passées en revue, pour l’aspect résistance à la jaunisse. » Objectif : identifier des candidats. Le challenge, c’est en trouver un pour les trois virus en même temps.

« Comme on l’a fait il y a 30 ans pour la rhizomanie, on réussira, mais on n’a que 3 ans, explique Alexandre Quillet, président de l’ITB. Les attentes du plan national de recherche et d’innovation sont de réussir le phénotypage très haut débit de milliers de variétés, quand d’habitude on le fait pour moins de 100. Il faut obtenir ces variétés par une mutualisation des connaissances des 6 semenciers dont 4 sélectionneurs. Créer de nouveaux hybrides par la combinaison de plusieurs pools génétiques. La filière apprécie que les semenciers se soient regroupés dans des programmes communs. C’est rare de voir des concurrents travailler ensemble. »

 

Plantes services et produits de biocontrôle

Deuxième piste de recherche, les plantes services, qui éloignent ou tuent les pucerons. « ce sont des plantes endophytes, produisant un insecticide naturel. On a identifié un fétuque et un ray grass et on a réussi à les croiser, annonce Alexandre Quillet. Reste à trouver le bon itinéraire cultural de ces plantes services, avant la culture de la betterave ou pendant. »

Troisième piste, les produits de biocontrôle. Cela consiste à produire des parasites du puceron ou encourager la plante à produire des « éliciteurs » ou « stimulateurs des défenses naturelles des plantes » contre le virus lui-même. La question des auxiliaires est majeure, pour l’Inrae. « Il existe un lien entre la taille des parcelles, la diversité des cultures et la présence des couverts naturels ».

Cette année, les auxiliaires sont arrivés cinq semaines après les pucerons. Il faut trouver le bon auxiliaire qui sera là le jour J et lui donner « le gite et le couvert », explique Alexandre Quillet. L’hyménoptère parasitoïde  apparait comme un bon candidat. Il ressemble à une guêpe et a la taille d’une fourmi. Pour son gîte, on réfléchit à la mosaïque paysagère. 500 hectares de plusieurs régions betteravières vont être associées au plan de recherche sur ce point. Le soucis ou le bleuet, par exemple, sont des plantes attractives pour le prédateur du puceron. Des drones pourraient déplacer les auxiliaires dans les grandes parcelles.

Pour Alexandre Quillet, il reviendra aux planteurs de déterminer ce qui est applicable sur leur exploitation et le côté économique sera forcément dans la balance à ce moment-là. « Une aide couplée pour l’écologie, ce serait une bonne chose pour l’agriculture, il faudrait qu’on y pense très sérieusement ». La piste chimique en alternative aux néonicotinoïdes qui n’a pas été efficace en 2020 se poursuit. « Elle n’est pas écartée, Il faut comprendre pourquoi elle a été inefficace. » En conclusion, « Ne lâchez pas, la betterave est une filière d’excellence dont la France a vraiment besoin » résume Sophie Primat, sénatrice rapporteur de la loi sur les néonicotinoïdes validée par le conseil constitutionnel, le jour même de l’assemblée générale. « Une fois les trois conditions réunies – prix, dérogation néonicotinoïdes et indemnisations – alors, nous, planteurs de betterave, pourrons maintenir sereinement nos surfaces », considère pour sa part le président Franck Sander.

Et l’économie dans tout ça ?

L’horizon des betteraviers dépend aussi des aspects économiques. Julien Denormandie a dévoilé, le 10 décembre, les grands principes de l’indemnisation des producteurs touchés par la jaunisse.

Les premières simulations montrent que « plus de la moitié des betteraviers bénéficieront de cette indemnisation », d’après lui, sachant qu’elle s’inscrit dans le cadre « de minimis » (plafond de 20 000 euros sur trois ans). Par ailleurs, il prévoit quatre à cinq textes réglementaires, « dans les prochaines semaines », concernant le retour des néonicotinoïdes, validé le jour même par le Conseil constitutionnel. Parmi eux, un arrêté de mise sur le marché à titre dérogatoire va s’appuyer sur un avis rendu par l’Anses, mais non encore publié. « L’Anses demande que la culture de maïs ne se fasse qu’en année N + 2 » après usage de néonicotinoïdes sur une parcelle, a révélé le ministre, précisant qu’« à peu près 25 % » des cultures betteravières sont touchées par cette restriction.

J.-C.D

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