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Petit Paysan à voir au cinéma

Petit Paysan, réalisé par Hubert Charuel est sorti le 30 août. Entretien avec le réalisateur.

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© Pyramide distribution

SYNOPSIS
Pierre, la trentaine, est éleveur de vaches laitières. Sa vie s'organise autour de sa ferme, sa soeur vétérinaire et ses parents dont il a repris l'exploitation. Alors que les premiers cas d'une épidémie se déclarent en France, Pierre découvre que l'une de ses bêtes est infectée. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches. Il n'a rien d'autre et ira jusqu'au bout pour les sauver.

Entretien avec Hubert Charuel, réalisateur

Vous êtes fils de paysans ?
Et mes parents sont tous les deux enfants de paysans. Leur ferme est à Droyes, entre Reims et Nancy, à vingt kilomètres de Saint-Dizier, la ville la plus proche. Ce qui leur a permis de survivre à la crise laitière, c'est beaucoup de travail, peu d'investissements, peu de nouveaux outils, des emprunts limités. Cela signifie beaucoup d'intelligence et aussi s'user physiquement pour survivre.

Avez-vous pensé reprendre l'exploitation ?
Je connais bien le métier mais je n'ai jamais eu l'ambition de reprendre la ferme. J'y pensais un peu à chaque changement de cycle scolaire et, curieusement, c'est quand j'étais étudiant à La fémis que j'y ai le plus pensé. Je ne me sentais pas dans mon milieu. En 2008, j'ai eu un accident de voiture avec ma mère, j'ai dû la remplacer pendant six mois à la ferme. Six mois d'une discipline hyper-rigoureuse pendant lesquels j'étais dans une forme physique et mentale exemplaire ! J'étais bien, je ne me débrouillais pas mal avec les vaches, le contrôleur laitier disait à mes parents : « Celui-là, il faut pas le laisser partir », et j'ai commencé à douter.

Cette « ivresse de la routine », c'est celle que vit Pierre dans le film...
Absolument. Mais j'ai fini par comprendre que si je m'y sentais bien, c'est parce que je savais qu'il y aurait une fin. Je suis fils unique. Ma mère est à la retraite depuis quelques semaines. Je suis donc l'enfant unique qui ne reprend pas la ferme de ses parents, et je tourne d'ailleurs en ce moment un documentaire à ce sujet. Petit Paysan parle de cette énorme contrainte qu'est la vie à la ferme : travailler sept jours sur sept, traire deux fois par jour, toute l'année, toute la vie. Et du rapport aux parents qui sont toujours là, le poids de cet héritage. Les gestes sont hyper-ritualisés, on va traire les vaches comme on va à la prière, le matin, le soir. Etre éleveur laitier, c'est un sacerdoce.

Comment est née l'idée du film ?
La crise de la vache folle m'a beaucoup marqué. Je me revois devant la télé, il y a un sujet sur la maladie, personne ne comprend ce qui se passe, on tue tous les animaux. Et ma mère me dit : « Si ça arrive chez nous, je me suicide ». J'ai dix ans et je me dis que ça peut arriver... Je me souviens de la tension qu'il y avait partout. Comme Pierre le fait avec sa soeur, les paysans appellent souvent leur vétérinaire, ils veulent être rassurés. Et Creutzfeld-Jacob était si particulier que les vétos ne savaient pas quoi dire. On ne savait pas par où passait la contamination, c'était la panique générale. Une paranoïa totale.
A La fémis, on avait un exercice de scénario à faire, sous la supervision d'une scénariste américaine, Malia Scotch Marmo. C'est elle qui m'a dit : « Tu tiens quelque chose, tu dois écrire ». Son soutien m'a désinhibé. Après être sorti de l'école, j'ai rencontré Stéphanie Bermann et Alexis Dulguerian de Domino Films, qui ont été convaincus par le synopsis et quelques pages dialoguées écrites avec Claude. C'était parti pour deux ans et demi d'écriture, de 2013 à 2015...

Pourquoi tourner chez vos parents ?
C'était une obligation. Faire le film, c'était ma manière à moi de reprendre l'exploitation. Quand on a commencé à écrire, je n'y pensais pas parce que la ferme était toujours en activité. Mais après la retraite de mon père, ma mère est partie avec ses bêtes dans une autre exploitation. A partir du moment où on avait cette ferme vide, je me suis dit : « C'est le décor que je connais le mieux ». J'ai fait venir Sébastien Goepfert, mon chef-op, on est tombé d'accord : cette vieille ferme, que mes parents ont retapée eux-mêmes, a un cachet. Bon, ensuite, Sébastien a fait un peu la tête en voyant l'exigüité de la salle de traite... !

Comment avez-vous imaginé la maladie qui atteint les vaches ?
Je ne voulais pas faire un film sur la crise de la vache folle ou sur la fièvre aphteuse. Cette dernière a longtemps été un traumatisme violent pour les paysans : les vétérinaires débarquaient, ils creusaient une fosse au milieu de la ferme, ils y jetaient les vaches et ils les brûlaient sur place. On ne fait plus comme ça.
Dans le scénario, on a imaginé une « fièvre hémorragique », on s'est inspiré d'une maladie qui touche les veaux, mais qui se soigne, dont l'un des symptômes est un saignement au niveau du dos. Il nous fallait un symptôme identifiable. On n'allait pas reproduire le tremblement d'une vache folle mais il fallait rendre l'épidémie visible, visuelle.

Comment avez-vous choisi les comédiens ?
Dans Petit paysan, j'ai tenu à mélanger acteurs professionnels et non professionnels, c'est la manière dont j'aime travailler pour essayer de créer une atmosphère de vérité.
Pour Pierre, on a rencontré pas mal de comédiens et puis ma directrice de casting, Judith Chalier, m'a présenté Swann. Humainement, on a accroché tout de suite, il avait compris le personnage et le ton. C'est devenu une évidence. Pareil pour Sara Giraudeau. On a cherché longtemps, elle est arrivée avec ce côté un peu étrange qui me plaisait bien. Le personnage était écrit comme quelqu'un d'assez colérique, elle lui a donné de la douceur. Quand j'ai fait des essais avec Swann et Sara ensemble, la relation est devenue réelle, dans leurs réparties comme dans leurs silences.
Et puis, il y a des non-professionnels, comme dans mes courts-métrages. Ma famille, d'abord. Ma mère joue la contrôleuse laitière, mon père le père de Pierre, et Raymond, le vieux voisin, est mon grand-père. Et mes copains qui sont là depuis le début : Valentin qui joue JD, le patron du restaurant, et Julian, qui joue Thomas dans le silo céréalier. Valentin a une place à part, il a un charisme rare, je ne peux pas imaginer faire un projet sans lui.

Tourner avec des vaches, c'est compliqué ?
Surtout quand il y en a trente. Une vache, c'est comme un enfant de cinq ans, sauf qu'elle fait 900 kilos et qu'elle ne va pas à l'école. Elles compliquent tout : installer un plan dans la salle de traite devient un casse-tête. Pour une vache, la traite dure dix minutes, alors, on ne va pas la laisser attachée vingt minutes dans cette chaleur, après ça devient mauvais pour elle. Les acteurs tolèrent plus de choses, mais ils savent pourquoi ils sont là, les vaches, elles, n'ont rien demandé ! Le respect animal, pour moi, était hyper important. On ne pouvait pas faire n'importe quoi. D'autant qu'un animal stressé, ça se voit à l'écran. Si je raconte l'histoire d'un type en osmose avec ses vaches, la moindre des choses est que les vaches aient l'air en osmose avec lui !

D'après le dossier de presse de Pyramides distribution

 


HUBERT CHARUEL
Né en 1985, Hubert Charuel grandit dans le milieu de l'élevage laitier. Il décide de prendre une autre voie et sort diplômé de La fémis en production en 2011. Après plusieurs courts-métrages, il réalise son premier long-métrage en 2016, Petit paysan.
Le film a reçu le soutien de la Fondation Gan pour le cinéma en 2015 et a été sélectionné à la Semaine de la Critique en 2017.

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