Moisson : les clichés tombent comme des épis
Avec la moisson, des agriculteurs proposent au grand public de les accompagner dans la cabine de leur moissonneuse-batteuse. Vincent Guyot est de ceux-là, via la plateforme moissonneuse.fr.
Vincent Guyot va au devant des questions et des critiques. Agriculteur au hameau de Boukincamp, lequel est rattaché à la commune d’Etaves et Bocquiaux (02), il est installé sur 130 hectares, « uniquement en grandes cultures », explique-t-il. La betterave occupe en effet la majeure partie de son assolement (40 hectares), suivie du blé tendre, des orges d’hiver et de printemps, de colza et de pois protéagineux. Pratiquant le non-labour depuis 2001, il assume être dépendant de l’utilisation du glyphosate jusqu’à ce que d’autres solutions puissent s’y substituer.
Contre l’agri-bashing
Si son exploitation est bien loin d’un certain modèle d’agriculture vers lequel les pouvoirs publics et certains médias généralistes voudraient l’emmener, cela ne l’empêche pas d’exercer une communication active sur l’agriculture d’aujourd’hui.
« Il faut arrêter de sans cesse taper sur notre agriculture et sur ses méthodes », s’emporte l’agriculteur, parfois « trop bavard ». Ses outils préférés pour combattre l’agri-bashing son les réseaux sociaux auxquels il consacre « entre 2 à 3 heures par jour », et en particulier Twitter sur lequel il est suivi par près de 5 000 followers. Il est également membre du réseau des ambassadeurs Agridemain, de France Agri Twittos et participe à la promotion des grandes cultures au travers d’une implication dans Passion Céréales. Depuis l’an dernier, il a rejoint la plateforme moissonneuse.fr, laquelle permet de mettre en relation des agriculteurs prêts à accueillir des personnes tentées par un petit tour à bord d’une moissonneuse-batteuse.
Partager une passion
A partir d’une carte interactive, sa ferme est recensée parmi les quelques-unes des Hauts-de-France susceptibles d’accueillir des passagers à bord d’une machine pendant la récolte. Depuis le lancement de la plateforme, plusieurs médias sont d’ores et déjà venus à sa rencontre. Et le partage d’expérience devrait aller crescendo, à mesure que les céréales seront prêtes à être récoltées. Dans le village d’Etaves et Bocquiaux, la moisson a démarré « mi-juillet, avec les orges d’hiver », rappelle Vincent Guyot. « On reste quand même en avance par rapport aux années précédentes. Début de semaine, on a commencé à battre quelques colzas, même si l’on attend que cela murisse encore un peu ».
Lorsqu’il approche du bord de la route avec sa machine, « c’est vrai qu’elle peut paraître disproportionnée par rapport à mes champs, constate-t-il. Mais en réalité, c’est parce qu’elle est utilisée par 3 fermes. Quand les conditions sont bonnes, on sait que cela ne va pas durer. On doit être efficace. Je veux bien entendre que les machines sont plus en plus grosses, mais elles sont aussi moins nombreuses dans la plaine ». L’agriculteur pratique en effet l’entraide avec deux collègues pour atteindre une surface moyenne à moissonner comprise entre 250 et 260 hectares, « toutes espèces confondues », chaque année. « Je suis propriétaire de la batteuse, explique Vincent Guyot, et je m’occupe de la récolte des grains pour tout le monde. Un autre collègue s’occupe des épandages et des transports. Et le troisième s’occupe de la culture des betteraves ». Sur son exploitation, la présence de matériels est réduite à son strict minimum, même s’il reconnaît que cela « demande une certaine organisation ».
Des explications simples
En accueillant des curieux sur le siège passager de sa cabine, « l’objectif, c’est d’abord d’expliquer la moisson et la culture du grain », explique l’agriculteur. Obligé de rester concentré sur la conduite pour éviter la casse ou le bourrage du matériel, il concède livrer des explications assez simples : « L’idée, ce n’est pas d’engager un grand débat sur l’agriculture. Il faut rassurer les agriculteurs qui voudraient se lancer sur ce point. On explique ce que l’on fait, les gens observent et c’est tout. Ce n’est vraiment pas compliqué ». Chaque tour de moissonneuse-batteuse dure entre « 15 et 20 minutes ». « Les gens sont intéressés, curieux, mais ils ont souvent peur de nous déranger alors que ce n’est pas un problème », confie l’agriculteur.
Difficile en revanche pour lui de prévoir à l’avance quelle parcelle sera battue le jour J : « Le choix des parcelles se fait le matin, entre 9h et 10h, avec mes collègues. Si des personnes sont intéressées pour venir faire un tour, on leur fixe un point de rendez-vous ». Et pour les retardataires, rien de plus simple : « Il suffit de regarder à travers la plaine ou de suivre les remorques vides, sourit Vincent Guyot. Chez nous, la batteuse tourne dans un rayon d’une dizaine de kilomètres autour de la ferme ». Pour lui, « le plus impressionnant, c’est encore à la tombée de la nuit. Il faut être encore plus vigilant, mais c’est une expérience à vivre ».