Un collectif pour prendre la parole.
Des agriculteurs ont créé un collectif « Ici la terre » pour mieux communiquer sur le métier. Un numéro vert devrait être lancé en septembre.
Durand, éleveuse de vaches
laitières, et Olivier Coupery,
agriculteur et producteur de foin. Originaires des Yvelines, ils sont les porte-parole du collectif
#iciLaTerre.
Trois agriculteurs franciliens ont créé un collectif afin de permettre à la profession de « prendre la parole auprès du grand public », « participer aux débats sociétaux » et « lutter contre les idées reçues ». Leur initiative a gagné tout le territoire, via le réseau FNSEA et trois à quatre personnes ont été sollicitées dans chaque département. « Nous avons, depuis de nombreuses années, laissé la parole à des détracteurs qui n'ont eu de cesse d'expliquer aux consommateurs que notre agriculture suscitait peurs et inquiétudes, explique l'un d'eux, Jérôme Regnault. Nous souhaitons reprendre la parole sur tous les sujets polémiques : génétique, protection animale et végétale, conduite d'élevage, transformation... » Pas de sujet tabou pour ces jeunes originaires du département des Yvelines.
Lancement du numéro vert dès le mois de septembre
Concrètement, les trois agriculteurs souhaitent lancer dès le mois de septembre un numéro vert que tous les Français pourront appeler afin de poser leurs questions directement à des agriculteurs. Soixante-dix exploitants, céréaliers comme éleveurs, du grand bassin parisien, ont déjà répondu positivement à la démarche et sont volontaires pour être à l'autre bout du fil de ce numéro vert.
« Nous avons créé ce collectif hors de toute étiquette politique. Nous ne défendons rien, nous n'opposons rien. Nous voulons faire de la pédagogie et que ce numéro vert soit un antidote à toutes les idées fausses véhiculées ces dernières années. Nous en avons ras-le-bol d'entendre tout et n'importe quoi. Il est temps de rétablir les faits », explique Olivier Coupery, l'un des trois autres Franciliens.
Afin de financer la création du numéro vert, le collectif a lancé une cagnotte en ligne sur Leetchi. Elle a déjà reçu une quarantaine de participations mais cela est loin d'être suffisant. Les trois agriculteurs yvelinois appellent donc à la mobilisation pour faire aboutir le projet dès la rentrée. « Sans la solidarité de tous, tous les efforts seront vains. Nous comptons sur vous », conclut Jérôme Regnault. o
Témoignages de deux agriculteurs haut-normands volontaires
Stéphane Lecarpentier, agriculteur à Bermonville (76)
« Notre objectif est d'expliquer aux gens ce que l'on fait au quotidien, simplement. Si les questions ne portent pas sur notre domaine, on les redirigera vers un autre agriculteur. Il n'y aura pas de tabous. On nous demande une disponibilité de 2 à 3 heures par semaine. Si cela fonctionne bien, on renouvellera ceux qui font les permanences. Evidemment, la fréquence des appels risque de coller à l'actualité. S'il y a un fait-divers comme de la viande de cheval dans les lasagnes, il risque d'y avoir plein d'appels. Mais ce qui est motivant, c'est d'avoir le plaisir de redresser la rumeur et tordre le cou à ce qu'on entend. Avoir un professionnel en direct au téléphone, c'est autre chose que d'avoir des spécialistes de la communication. Dans un contexte où les réseaux sociaux se développent, dans cette masse d'informations, tout le monde est perdu. Comment distinguer les vraies infos des fausses ? Revenons aux fondamentaux, avec le téléphone, on a quelqu'un à l'autre bout du fil. On nous laisse la parole libre et nous avons carte blanche en termes de communication, c'est appréciable. »
Franck Guesdon, agriculteur à Beuzeville (27)
« J'ai accepté d'être l'un des agriculteurs d'Ici la Terre pour essayer d'expliquer la réalité des choses. Il y a tellement d'inepties que l'on entend régulièrement ! Sur les produits phytos par exemple, on agit pourtant sur la plante comme un médecin avec les médicaments sur son patient. Je ne suis pas sur les réseaux sociaux mais je sais qu'on y trouve des aberrations de la part d'ayatollahs de l'environnement. Il y a 50 ans, la moitié de la population était proche des agriculteurs, aujourd'hui, ceux qui connaissent le métier sont de moins en moins nombreux. Dans les villages, on peut avoir affaire à ses voisins. Ça m'est arrivé récemment, quelqu'un m'a filmé alors que j'appliquais un fongicide sur de l'épeautre destiné à nourrir mes veaux. Ces parcelles en bordure de bourg, je vais être obligé de les mettre en jachère ou en surface non agricole. Alors donner deux heures par semaine de mon temps pendant un à trois mois, ce n'est pas grand-chose. On peut le faire en restant chez soi, c'est facile ! »
Propos recueillis par Laurence Geffroy